Le mariage gay en Allemagne

Le mariage gay en Allemagne

 

I. Position de la cour constitutionnelle quant aux questions relatives à l’homosexualité 

                                                                                                     

     La Bundesverfassungsgericht, Cour constitutionnelle Allemande créée en 1951, s’est à plusieurs reprises prononcée sur diverses questions relatives à l’homosexualité. La décision du 10 mai 1957, déclarant le § 175 StGB (code pénal allemand) conforme à la Grundgesetz de 1949, Loi Fondamentale de la République Fédérale Allemande, fut une des plus controversée et marquante pour les hommes homosexuels allemands (A).  Toutefois, depuis une dizaine d’années, la Cour s’est montrée de plus en plus favorable à une avancée des droits des homosexuels, ce que nous verrons par l’étude de quatre décisions datant de 2002, 2010 et 2013 (B). 

 

                A. La Cour Constitutionnelle hier : une légitimation de la répression homosexuelle

 

     Le 10 mai 1957, statuant sur une plainte déposée par l’avocat berlinois Dr. Werner Hesse suite à la condamnation de son client pour « actes homosexuels », les juges de Karlsruhe déclarent le § 175 StBG conforme à la Grundgesetz [1]. Ce paragraphe, rédigé lors du 2nd Empire Allemand, peu ou pas appliqué sous la République de Weimar, puis durci et aggravé lors du 3ème Reich, ne fut définitivement aboli qu’en 1994. Il a notamment servi de fondement juridique aux Nazis pour traquer, condamner, déporter ou exécuter près de 55.000 hommes homosexuels (selon le Statistisches Reichsamt, l’ancien office allemand de la Statistique) [2]. Après-guerre, ayant gardé sa rédaction de 1935, le § 175 StGB disposait que :

 

« § 175 : Un homme qui commet un acte sexuel avec un autre homme ou qui se laisse utiliser par lui dans ce but est puni de prison. Dans le cas d'un participant qui, au moment des faits, n'avait pas encore 21 ans, le tribunal peut renoncer, dans les cas les plus légers, à punir.

§ 175a : Est puni d'une peine de travaux forcés pouvant s'élever jusqu'à dix ans, en cas de circonstances atténuantes d'une peine de prison ne pouvant être inférieure à trois mois :
Un homme qui oblige un autre homme, par la force ou par une menace mettant présentement en danger son corps ou sa vie, à commettre un acte sexuel avec lui ou à se laisser utiliser par lui dans ce but ;
Un homme qui décide un autre homme, en usant d'une dépendance fondée sur une relation d'autorité, de travail ou de subordination, à commettre un acte sexuel avec lui ou à se laisser utiliser par lui dans ce but ;
Un homme de plus de 21 ans qui séduit un mineur masculin de moins de 21 ans, afin qu'il commette avec lui un acte sexuel ou qu'il se laisse utiliser par des hommes en vue d'un tel acte ou qui s'offre dans ce but. » 

 

    Deux arguments étaient avancés par la partie demanderesse. D’abord, le § 175 serait contraire aux principes d’égalité devant la loi ainsi que d’égalité des hommes et des femmes, posés par l’art. 3 al. 2 et 3 GG, en ce qu’il opère une discrimination en ne condamnant que l’homosexualité masculine, mais en restant muet quant à la question de l’homosexualité féminine. Ensuite, et surtout, ce paragraphe violerait également le droit constitutionnellement garanti par l’art. 2 al. 1 GG au libre épanouissement de la vie privée et familiale.

     Ces deux arguments sont rejetés par les juges, considérant qu’il n’y avait pas lieu de déclarer ce paragraphe contraire à la Loi Fondamentale. En effet, pour ce qui est de l’alléguée contradiction entre le § 175 StGB et l’art. 3 GG, la Cour estime pour sa part que les différences biologiques et anatomiques des deux genres jouent ici un rôle à ce point déterminant qu’il est de fait impossible de mettre sur un pied d’égalité l’homosexualité masculine et féminine. Nous ne rentrerons pas dans le détail de l’exhaustif développement de la Cour, celui-ci étant quelque peu suranné, mais nous contenterons d’en retracer les grandes lignes, à savoir :

  • d’une part, que l’anatomie du sexe féminin ne permettant pas véritablement d’interactions sexuelles, celles-ci se rapprochant plus de marques d’amitié féminine, il serait fort malaisé de distinguer ces deux types de relation si l’on décidait de condamner l’homosexualité féminine ;
  • d’autre part, que l’esprit de luxure animant l’homme homosexuel ne se retrouve pas chez la femme, le taux de prostitution masculine étant là pour en attester. En conséquence, l’homosexualité féminine ne présenterait pas le même danger pour la société.

Ainsi, bien loin de reconnaître la présence d’une discrimination de l’homme homosexuel, les juges procèdent plutôt à une justification de l’absence de condamnation de la femme homosexuelle, et ce faisant, d’une dérogation à l’art. 3.

     Quant au deuxième élément avancé par le Dr. Hesse, à savoir la contradiction du § 175 avec l’art. 2 GG, celui-ci ne fut pas non plus reçu favorablement par les juges. En effet, ces dernières estimèrent qu’il n’y a pas ici de violation du droit fondamental au libre épanouissement de sa personnalité, non seulement du fait de la contradiction entre l’ « activité homosexuelle » et les bonnes mœurs (« das Sittengesetz », la « loi morale »), mais également car il ne peut être clairement établi que les autorités publiques n’ont pas intérêt à la réprimer.    

     Suite à cette décision, les homosexuels allemands connurent une nouvelle vague de répression et de condamnations en raison de leur orientation sexuelle. Ce n’est qu’en 1969 puis en 1974, avec deux amendements successifs de la loi, que celle-ci put  décroître [3]. Il est intéressant de préciser qu’à la même période, une commission composée de 24 juristes de renom travaillait à la refonte du code pénal allemand, afin de le moderniser et le rendre plus en adéquation avec les nouveaux objectifs de démocratie et de respect des droits fondamentaux de la jeune république allemande. La commission s’était notamment penchée sur la question du § 175 StGB, et semblait d’avis que celui-ci n’avait plus de raison d’être [4]. Toutefois, suite à la décision de la Cour, cette réforme du § 175 n’a pas eu lieu ; celui-ci  ne sera finalement aboli qu’en 1994.

 

                B. La Cour Constitutionnelle, aujourd’hui : un instrument majeur de l’avancée des droits

 

     Bien que leur refusant toujours l’accès à l’institution du mariage, on note depuis une dizaine d’années une prise de position toujours plus favorable de la Cour à l’égard des personnes et des couples homosexuels. Par exemple, par une décision en date du 17 juillet 2002, la Cour a déclaré conforme à la Loi Fondamentale la loi du 16 février 2001  « pour la fin de la discrimination des communautés de vie homosexuelles » (Gesetzes zur Beendigung der Diskriminierung gleichgeschlechtlicher Gemeinschaften) et instituant le Lebenspartnerschaft, le partenariat de vie. Une plainte avait été déposée par les Ministre-présidents de Saxe, Thuringe et Bavière, tous trois appartenant au parti Chrétien-Démocrate, première force d’opposition au gouvernement socialiste de cette époque. Les demandeurs arguaient que le partenariat n’étant pas ouvert aux couples hétérosexuels, il était incompatible avec à l’art. 3 GG, prohibant toutes formes de discriminations et dont le troisième alinéa dispose que personne ne peut, notamment en raison de son sexe, être favorisé ou désavantagé. Le deuxième argument avancé consistait à affirmer que la loi reprenant nombre d’éléments propres au mariage, elle contrevenait également à l’art. 6 al. 1 GG, affirmant que les institutions du mariage et de la famille jouissent d’une protection particulière de l’Etat. La Cour a déclaré la loi conforme à la Loi Fondamentale, estimant que le fait de réserver le partenariat de vie aux seuls couples homosexuels n’était pas discriminatoire, d’une part, car ce critère ne se rattache pas au sexe des partenaires mais au choix du partenaire, et d’autre part, car les couples hétérosexuels ne sont en rien désavantagés par cette loi, le mariage leur étant ouvert. Pour ce qui est de l’alléguée violation de l’art. 6, les juges ont répondu que la protection particulière du mariage devant être assurée par l’Etat n’empêchait pas le législateur de créer un partenariat de vie destiné aux personnes homosexuelles et présentant des éléments similaires ou identiques. En effet, un tel partenariat ne menacerait en rien l’institution du mariage, puisque celle-ci reste fermée aux couples de même sexe. [5]

     Par ailleurs, dans un arrêt en date 21 juillet 2010, la Cour a dénoncé le système fiscal en vigueur jusqu’au 31 décembre 2008, n’assurant pas un traitement égalitaire des partenaires enregistrés et des époux quant à la taxation des donations et des successions. En effet, les partenaires enregistrés appartenaient à une catégorie fiscale inférieure à celle des époux, et ne pouvaient en conséquence bénéficier des mêmes avantages fiscaux. En foi de quoi, la cour a déclaré l’ancien § 16 al. 1 de la loi sur les droits de succession et de donation comme discriminatoire, et donc contraire à l’art 3 al.1 GG.[6]

     De la même façon, le 7 mai 2013, les juges de la Cour Constitutionnelle ont déclaré contraire à la Loi Fondamentale le fait que les partenaires enregistrés n’aient pas accès au Ehegattensplitting. Cette forme d’imposition, particulière à l’Allemagne, permet de taxer la moyenne des deux revenus des époux, et non pas le revenu de chacun séparément. Souvent avantageux pour les bénéficiaires, le Ehegattensplitting n’était réservé qu’aux seuls couples mariés, les partenaires enregistrés n’ayant d’autre choix que d’être taxés isolément sur leurs revenus. Voyant là une violation du principe d’égalité posé à l’art. 3 GG, la cour a déclaré les §§ 26, 26b et 32a al. 5 de la loi relative à l’impôt sur le revenu contraires à la Loi Fondamentale.[7]

     Enfin, la décision du 19 février 2013 (sur laquelle nous reviendrons) est également un bel exemple de la tendance de la Cour à statuer en faveur d’une harmonisation des droits entre les couples hétéro- et homosexuels. Par cette dernière, les juges ont contraint le législateur à prendre les mesures nécessaires afin de permettre au partenaire enregistré d’un parent adoptif de devenir également parent de l’enfant adopté. Les requérants arguaient que le § 9 al. 7 de la loi sur le partenariat enregistré était discriminatoire, car il ne permettait pas une telle adoption, pourtant ouverte aux couples mariés. Au regard de l’instabilité juridique, notamment pour l’enfant, que créait cette disposition, ils arguaient également que ce paragraphe violait leur droit à être assurés du respect et de la protection de leur vie familiale dus par l’Etat. Les juges, au nom du droit de l’enfant à recevoir l’éducation et les soins de ses parents (art. 2 al. 1 et art. 6 al. 2 GG), et du principe d’égalité et de non-discrimination (art. 3 GG), déclarèrent le § 9 al. 7 de la loi sur le partenariat enregistré contraire à la Loi Fondamentale, et ordonnèrent au pouvoir législatif de modifier la législation en vigueur. En outre, la cour profita de cette décision pour affirmer que les familles homoparentales bénéficiaient bien de la protection particulière de l’Etat, garantie par l’art 6 GG.[8]   

 

II. Définition du mariage dans le Code civil allemand et précisions juridictionnelles 

 

     En Allemagne, le droit au mariage est un droit constitutionnellement reconnu et protégé à l’article 6 de la Grundgesetz (GG). Le droit matrimonial, quant à lui, est encadré par les §§ 1297 à 1588 du BGB (Code civil allemand), intégrés à son Livre IV consacré au droit de la famille. Le BGB ne donne pas de définition exacte ou définitive du mariage, mais celle-ci se dessine à travers les différents articles et décisions juridictionnelles.

     Ainsi, il ressort tout d’abord du BGB nombre de grands principes communs aux systèmes juridiques occidentaux, tels que :

  • l’interdiction faîte aux mineurs non émancipés ou aux majeurs incapables de conclure un contrat de mariage (§§ 1303, 1304) ;
  • l’impossibilité d’être concomitamment engagé dans d’autres unions (§ 1306), qu’il s’agisse d’un mariage ou d’un Lebenspartnerschaft (littéralement « partenariat de vie », équivalent allemand du PACS, infra) ; ou encore
  • le tabou de l’inceste, ne permettant aucun lien sanguin ou familial rapproché entre les deux époux (§§ 1307, 1308).  

     De façon plus spécifique à l’Allemagne, pays formellement neutre mais encore très marqué par ses racines chrétienne, on remarque que :

  • le principe général du mariage à vie est toujours en vigueur ;
  • bien que l’adultère ne soit plus considéré comme un délit pénal (depuis 1969) et n’ait plus de conséquences civiles (depuis 1977), celui-ci reste un agissement illicite (Unerlaubte Handlung) au sens du § 826 BGB ;
  • enfin, le § 1588 (dit Kaiserparagraph, paragraphe de l’Empereur [9]) énonce que toutes dispositions du BGB relatives au mariage sont sans incidences sur le droit canonique en la matière.   

     On l’aura noté, aucun paragraphe ne dispose que le mariage soit uniquement le fait d’un homme et d’une femme. Cette précision a été apportée par plusieurs décisions de la Cour constitutionnelle. La première date du 29 juillet 1959 : « Le mariage est, au sens de la Loi Fondamentale, l’union d’un homme et d’une femme, en vue de former une communauté de vie indissoluble par principe »[10]. De la même façon, dans une décision du 4 octobre 1993, les juges de Karlsruhe ont également précisé que l’art 3 GG, posant les principes d’égalité devant la loi et d’interdiction de la discrimination, ne justifiait d’aucune façon l’existence d’un droit au mariage pour les personnes homosexuelles[11]. Enfin, dans une récente décision du 19 février 2013, la Cour constitutionnelle a réitéré sa position, facilitant certes les modalités d’adoption des couples de même sexe (supra), mais leur refusant toujours l’accès à l’institution du mariage[12].

     Toutefois, dans une décision du 27 mai 2008, la Cour a accepté que le mariage d’un couple reste valide après l’opération de changement de sexe de l’un des époux. Certains avaient vu là un premier pas vers une ouverture du mariage aux couples homosexuels, mais on sait aujourd’hui qu’il n’en fut rien. Quoi qu’il en soit, le principe prévalant désormais n’énonce plus que les époux doivent être de sexes opposés, mais qu’ils doivent seulement l’être au jour du mariage[13].

 

III. Présentation des dispositions législatives sur l’Union civile entre personnes du même sexe 

 

     Comme on l’a vu, il existe depuis 2001 en Allemagne un Lebenspartnerschaft, un partenariat de vie, que l’on pourrait être tenté de rapprocher du Pacte Civil de Solidarité (PACS) français. Mais, à la grande différence de ce dernier, le partenariat enregistré allemand est uniquement réservé aux couples homosexuels (§ 1 al. 1 LPartG), ce qui l’a fait surnommer par l’ensemble de la population « Homo-Ehe » : mariage homo. De prime abord, cette terminologie parait trompeuse. En effet, lorsqu’il est communément fait référence au mariage homosexuel, il s’agit généralement de l’ouverture de l’institution du mariage aux couples homosexuels, ce qui n’est pas le cas ici. Toutefois, une telle appellation peut également sembler fondée, considérant qu’il s’agit bien d’une union exclusivement élaborée pour les personnes homosexuelles, donc bien d’une union civile homosexuelle. 

     Quoi qu’il en soit, l’« Homo-Ehe » avait été conçu afin de donner un cadre juridique aux couples homosexuels, leur permettant de jouir de certaines prérogatives normalement rattachées au mariage. Ainsi, on retrouve dans le partenariat de vie nombre d’éléments propres au mariage, comme par exemple l’obligation de mener une vie commune, (§ 2 LPartG), d’être diligent et bienveillant (§ 4 LPartG), de soutien financier mutuel (§ 5 LPartG), ainsi que la possibilité de prendre le nom du partenaire et de le représenter légalement (§ 3 LPartG). Y sont également intégrées de nombreuses dispositions de droit des biens et de droit matrimonial (§ 6 LPartG), de droit de la famille afin d’encadrer la relation de l’un des partenaires avec l’enfant de l’autre (§ 9 LPartG), ou encore de droit des donations et successions (§ 10 LPartG)[14].

     Lors de sa création, le Lebenspartnerschaft n’était toutefois pas juridiquement équivalent au mariage. Entre autre, contrairement à ce dernier, il ne permettait pas aux partenaires de se fiancer, ni de jouir de situations fiscales avantageuses, ou d’adopter sous aucune forme (seuls ou en tant que couple). Le régime matrimonial de communauté de biens n’était pas envisageable, les partenaires n’avaient pas d’obligations de fidélité, ou encore, en cas de rupture, il ne permettait que difficilement l’obtention d’une pension alimentaire. Il n’a alors cessé d’être amendé, tantôt à l’initiative du législateur, tantôt à celle des différentes juridictions, afin de lui faire disposer d’attributs équivalents à ceux du mariage. On compte depuis 2008 pas moins de huit révisions, visant dix-sept des vingt-trois paragraphes que compte la loi.

     La dernière modification, contenue dans la loi « d’ajustement des droits du partenaire de vie » (Gesetz zur Bereinigung des Rechts der Lebenspartner), fut votée en dernière lecture par le Bundestag le 10 octobre 2015. Selon le projet de loi, le législateur avait pour objectif d’« égaliser les droits des époux et ceux des partenaires de vie, dans les domaines du droit civil, procédural, et public »[15]. Ainsi, trente lois et règlements devront être amendés afin de faire apparaître la mention « partenaires de vie » aux côtés de celles faisant référence aux époux. Partant, la quasi-totalité des différences existant entre les deux institutions sera effacée. Cependant, bien qu’ayant pour but affirmé de réaliser une égalité parfaite entre le partenariat de vie et le mariage, cette loi ne semble pas avoir tout à fait atteint son objectif. En effet, dans une communication du Conseil Fédéral (Bundesrat, chambre haute du parlement), les représentants des Länder déplorent que cette loi ne change rien au fait que contrairement aux époux, les partenaires de vie ne puissent en tant que tels adopter ensemble un enfant[16].

 

IV. Etat des principales positions doctrinales sur la possibilité du mariage entre personnes du même sexe :

 

     L’ouverture du mariage aux couples de même sexe est plus que jamais d’actualité en Allemagne. En effet, la récente avancée des droits des homosexuels en France (en 2013) et aux Etats-Unis (en 2015), deux pays alliés et amis de l’Allemagne, a replacé cette question au cœur du débat. Rappelons l’argumentation juridique classique, autour de laquelle s’est cristallisée l’opposition entre les personnes favorables et les personnes défavorable à une telle évolution :

  • les premiers estiment qu’en vertu du principe d’égalité et de non-discrimination posé par l’art 3 GG, le mariage et l’adoption devraient être ouverts tant aux couples hétéro- qu’homosexuels.
  • ce à quoi les seconds répondent que l’art 6 GG contraint l’Etat d’assurer une protection particulière au mariage et à la famille. Or il ne pourrait permettre une telle altération de ces deux institutions sans les mettre en danger.

     On a déjà rencontré cette opposition, notamment lors de l’étude de différentes décisions de la Cour Constitutionnelle. De façon assez inattendue, on la retrouve également entre les positions du Bundestag (chambre basse, composée lors des élections législatives, et permettant de former les coalitions gouvernementales) et du Bundesrat (chambre haute, dont les membres sont nommés par les Ministre-Présidents des différents Länder), composées d’une majorité politique différente.

     En effet, le Bundesrat a déjà voté deux projets de lois ayant pour objectif d’ouvrir l’institution du mariage aux couples homosexuels :

  • le 22 mars 2013, un projet de loi pour « l’introduction du droit pour les couples de même sexe à conclure un mariage » (Einführung des Rechts auf Eheschließung für Personen gleichen Gechlechts), qui ne fut pas directement soumis au vote du Bundestag en raison du changement de législature, et tomba en désuétude[17]. 
  • le 25 septembre 2015, un projet de loi pour  « l’abolition de l’interdiction du mariage des couples homosexuels » (Gesetz zur Abschaffung des Eheverbots für gleichgeschlechtliche Paare), qui a été présenté au gouvernement puis transféré au Bundestag, devant lequel il est pendant[18].

     En parallèle de ces deux projets de lois, le Bundesrat multiplie les communiqués affirmant son attachement à cette cause. Ainsi, lors du vote de la loi « d’ajustement des droits du partenaire de vie », les représentants des Länder ont déclaré qu’ils considéraient ce projet certes honorable, mais cependant insuffisant[19]. Pour ces derniers, seule l’ouverture du mariage permettrait de mettre un terme à la discrimination que subissent les couples homosexuels, notamment en matière d’adoption. Ils estiment qu’« au regard de l’évolution de la société, il est devenu parfaitement injustifiable de traiter de façon différente les couples hétéro- et homosexuels »[20]. Enfin, le Bundesrat a également adopté une résolution demandant au gouvernement d’agir en ce sens. Bien que dénuée de pouvoir contraignant, la symbolique d’un tel procédé est forte, et cela permet d’obliger le gouvernement à prendre clairement et publiquement position[21].

     Toutefois, il paraît fort peu probable que ces initiatives aboutissent. En effet, dans le jeu parlementaire allemand, le Bundestag a « le dernier mot » en cas d’opposition entre les deux chambres. Or la majorité actuelle (et donc le gouvernement en fonction) est opposée à l’ouverture du mariage au couple de même sexe, considérant qu’il est préférable de se concentrer sur une amélioration du Lebenspartnerschaft[22]. Ainsi, bien que deux tiers de la population allemande soient favorable à cette évolution[23], il semblerait qu’il faille attendre la prochaine législature pour qu’il soit mis fin à la discrimination des couples homosexuels.   

 

[1] BVerfG, 10.05.1957 - 1 BvR 550/52

[2] Le statut de victimes des crimes du National-Socialisme ne leur sera cependant reconnu qu’en 2002

[3] Rainer Hoffschildt: 140.000 Verurteilungen nach „§ 175“. In : Fachverband Homosexualität und Geschichte e. V. (Hrsg.): Invertito – 4. Jg. – Denunziert, verfolgt, ermordet: Homosexuelle Männer und Frauen in der NS-Zeit. MännerschwarmSkript Verlag, Hamburg 2002, ISBN 3-935596-14-6, p. 140–149

[4]  Archives du SPIEGEL 25/1957, Die Eigenart des Mannes - STRAFRECHTREFORM, du 19.06.1957

[5] BVerfG, 17.07.2002 - 1 BvF 1/01

[6] BVerfG, 21.07.2010 - 1 BvR 2464/07

[7] BVerfG, 07.05.2013 - 2 BvR 1981/06

[8] BVerfG, 19.02.2013 - 1 BvL 1/11

[9] Les origines de cette appellation sont incertaines, l’hypothèse la plus probable semble être qu’une telle règlementation aurait été proposée par l’Empereur Wilhelms I (1797-1888), puis intégrée au BGB – Weber-Monecke, Kommentierung zu § 1588 BGB, Rn. 1, in: Münchener Kommentar zum BGB, 6. Aufl., München 2013

[10] BVerfG, 29.07.1959 - 1 BvR 205/58

[11] BVerfG, 4.10.1993 - 1 BvR 640/93

[12] BVerfG, 19.02.2013 - 1 BvL 1/11; 1 BvR 3247/09

[13] BVerfG, 27.05.2008 - 1 BvL 10/05

[14] http://www.gesetze-im-internet.de/bundesrecht/lpartg/gesamt.pdf

[15] Deutscher Bundestag, 02.09.2015 – Gesetzentwurf der Bundesregierung : Entwurf eines Gesetzes zur Bereinigung des Rechts der Lebenspartner (http://dip21.bundestag.de/dip21/btd/18/059/1805901.pdf

[16] Erläuterung, 938. BR, 06.11.15 - Gesetzes zur Bereinigung des Rechts der Lebenspartner (https://www.bundesrat.de/SharedDocs/TO/938/erl/3.pdfz__blob=publicationF...)

[17] http://dip21.bundestag.de/dip21/btd/18/050/1805098.pdf

[18] https://www.bundesrat.de/DE/plenum/plenum-kompakt/15/936/936-pk.html;jse...

[19] https://www.bundesrat.de/DE/plenum/themen/ehe-fuer-alle/ehe-fuer-alle.html

[20] https://www.bundesrat.de/DE/plenum/plenum-kompakt/15/934/934-pk.html;jse...

[21] https://www.bundesrat.de/DE/plenum/themen/ehe-fuer-alle/ehe-fuer-alle.html

[22] http://www.focus.de/politik/deutschland/homo-ehe-gefordert-cdu-konservat...

[23] Selon un sondage réalisé en 2015 pour le Frankfurter Allgemeine - http://www.faz.net/aktuell/politik/inland/deutsche-sind-fuer-umfrage-zur...