L'IVG face aux objecteurs de conscience en Italie

L'acceptation morale de l'avortement est sujette aux convictions éthiques, religieuses, ou plus généralement à la façon dont une culture se positionne par rapport au concept de la vie. En Italie, pays très imprégné par le catholicisme, le Vatican a une influence sur la population et les hommes au pouvoir ; la tradition occupe une place importante. De fait la légalisation de l'IVG reste un sujet sensible. L'IVG est un droit accordé aux femmes par la loi n.194 de 1978 mais l'application de celle-ci près de 40 ans après son entrée en vigueur reste toujours très difficile.

 

  1. La victoire de la légalisation et ses limites

 

  • La légalisation de l'IVG

 

En France, la loi Veil du 17 janvier 1975 a libéré les femmes de l'avortement clandestin en autorisant la pratique de l'IVG dans les hôpitaux publics et privés. La femme enceinte « que son état place en situation de détresse » peut demander à un médecin l'interruption de sa grossesse avant la fin de la douzième semaine.

 

En Italie, avant la loi n.194 de 1978, l'avortement était considéré, quelle que soit la forme qu'il prenait, comme un crime par le Code pénal italien. En 1975, le thème de l'avortement prend un tournant décisif avec l'arrestation sur dénonciation d'Adele Faccio, secrétaire du Centre d'information sur la stérilisation et l'avortement (CISA). Elle est accusée d'avoir pratiqué des avortements et d'avoir organisé des voyages en Hollande et en Angleterre, où il était plus aisé, moins dangereux et moins coûteux pour les femmes d'avorter, cherchant ainsi à limiter les avortements clandestins. L'année suivante, une pétition signée par 700.000 personnes, conduit le Président de la République à fixer par décret une date pour un référendum sur l'avortement. Le climat social est extrêmement tendu et le Président est contraint de dissoudre les Chambres, les partis politiques n'étant pas prêts à faire face à un nouveau référendum pouvant provoquer des divisions en leur sein (le référendum sur le divorce ayant laissé déjà beaucoup de séquelles). Mais le besoin d'adapter la législation à la nouvelle vague de pensée d'une partie de la population se fait ressentir. La décision de la Cour constitutionnelle n.27 du 18 février 1975 permet au législateur de procéder à ces adaptations en reconnaissant le recours à l'IVG pour des motifs très graves.

 

Une nouvelle étape est franchie avec l'adoption de la loi n.194 le 22 mai 1978, laquelle fait tomber les crimes relatifs à l'avortement. Il est consenti à la femme, dans les cas prévus par la loi, de recourir à l'IVG dans une structure publique dans les 90 premiers jours de gestation « lorsque la situation est telle que la poursuite de la grossesse, l'accouchement ou la maternité mettraient gravement en danger sa santé physique ou mentale, compte tenu de son état de santé, du contexte économique, social ou familial, des circonstances dans lesquelles la conception a eu lieu, ou de la probabilité que l'enfant à naître présenterait des anomalies ou des malformations ». Il est également possible de recourir à l'IVG entre le quatrième et cinquième mois lorsque la grossesse ou l'accouchement mettraient gravement en danger la vie de la femme ou s'il a été diagnostiqué des processus pathologiques constituant un danger grave pour sa santé physique ou mentale. Cette loi prévoit également une obligation d'information incombant au médecin pratiquant l'IVG.

 

L'avortement médicamenteux en Italie a impliqué l'introduction d'un nouveau médicament (la pilule abortive Ru486) sur le marché, lequel est soumis à de nombreuses normes européennes et nationales visant à protéger au mieux la patiente. En Italie, l'autorisation de commercialiser ce médicament est intervenue à l'issue d'une procédure de reconnaissance tacite des avis exprimés par l'Agence européenne de régulation des médicaments. En réalité, la commercialisation généralisée (hors vente au public dans les pharmacies) de la pilule abortive n'a été autorisée que depuis une délibération de l'Agence Italienne du Médicament de 2009.

 

La loi n.194 a été confirmée lors d'un référendum populaire le 17 mai 1981 à l'occasion duquel 88,4% des italiens se sont prononcés en sa faveur. En 1997, la Cour constitutionnelle rejette une proposition de référendum visant à abroger la loi n.194. Dans sa décision d'inadmissibilité, la Cour considère que les dispositions au contenu constitutionnellement protégé ne peuvent faire l'objet d'un référendum abrogatif.

 

  • Le droit d'objection de conscience comme limite à l'IVG

 

La lecture de la loi n.194 peut en laisser plus d'un perplexe. Tout d'abord, on constate que les médecins sont incités à convaincre la femme à ne pas avoir recours à l'IVG: l'art.5 prévoit que les médecins ont l'obligation de « d'examiner les solutions qui pourraient être apportées » aux problèmes de la femme motivant l'IVG et « l'aider à surmonter [ces] problèmes ».

 

Mais c'est en particulier l'art.9, sans aucun doute l'un des plus importants de ce texte, qui fait couler le plus d'encre. Il consent aux praticiens hospitaliers et autres personnels de santé de ne pas prendre part aux interventions spécifiquement et nécessairement destinées à mettre fin à une grossesse. Il leur consent en d'autres termes de faire valoir leur objection de conscience. Ces derniers peuvent donc refuser la réalisation d'un acte médical autorisé par la loi, tel que l'avortement, mais qu'ils estiment contraire à leurs convictions personnelles, professionnelles ou éthiques.

 

Pour faire valoir cette faculté, une déclaration doit être communiquée à l'autorité médicale de tutelle au niveau provincial et pour les membres du personnel d'un hôpital ou d'un centre de soin au directeur. Cette déclaration doit avoir été faite dans le mois qui a suivi l'entrée en vigueur de la loi n.194 ou dans le mois suivant l'habilitation ou le rattachement à un établissement de santé qui pratique l'IVG. La déclaration peut toujours être levée. Elle peut également survenir en dehors des délais prévus, mais dans ce cas elle ne prend effet qu'un mois après sa présentation à l'autorité médicale de tutelle.

 

À titre de comparaison, depuis la loi Veil de 1975, la France consent également aux médecins et aux auxiliaires médicaux de faire valoir une « clause de conscience ». La loi Veil évoque la possibilité de se récuser en vertu du préambule de la Constitution lequel prévoit que « nul ne peut être lésé dans son travail ou dans son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances ». Ainsi, l'art.L.2212-8 du Code de la santé publique dispose qu'« un médecin n'est jamais tenu de pratiquer une interruption volontaire de grossesse mais il doit informer, sans délai, l’intéressée de son refus et lui communiquer immédiatement le nom de praticiens susceptibles de réaliser cette intervention (…)/ Aucune sage femme, aucun infirmier ou infirmière, aucun auxiliaire de médical, quel qu'il soit, n'est tenu de concourir à une interruption de grossesse ». Le 27 juin 2001, le Conseil constitutionnel (décision 2001-446 DC) a reconnu la liberté de conscience comme principe fondamental. Il s'en suit que la loi du 4 juillet 2001 laquelle, sans jamais parler de clause de conscience, reconnaît un droit de refus de soin par un médecin mais les établissements publics français sont toujours légalement tenus de disposer des moyens permettant pratiquer l'IVG dans leurs services.

 

En pratique, les médecins objecteurs sont très nombreux en Italie. Le rapport annuel de 2014 du Ministre de la santé au Parlement recensait près de 69,9% de médecins gynécologues objecteurs (87,6% en Sicile et jusqu'à 93,3% en Molise), 47,5% de médecins anesthésistes objecteurs (jusqu'à 79,2% en Sicile) et 45% du personnel de santé objecteur (jusqu'à 85,2% en Sicile). En 2016, seulement 65,5% des hôpitaux pratiquaient l'IVG. Parmi les raisons qui poussent à faire valoir l'objection de conscience, on relève avant tout la forte influence de l'Eglise sur la population italienne, laquelle voit l'avortement ni plus ni moins comme un « homicide », mais également le fait que hormis la déclaration à faire aucune autre condition n'est posée. Si en le taux d'objecteurs en Italie est l'un des plus hauts d'Europe, la France n'en compte elle que 3%.

 

  1. Les débats autour de la limitation à l'IVG

 

  • Les limitations à l'objection de conscience

 

Face à l'ampleur du phénomène, la jurisprudence a dû poser des limites à l'objection de conscience. Dans sa décision du 2 avril 2013 n.14979, la Cour de cassation italienne condamne un médecin qui avait refusé d'assister une patiente lors de la phase d'expulsion de l'embryon, c'est-à-dire lorsque le médicament avait fait effet, et que l'interruption de grossesse avait été vérifiée. Les juges considèrent que le comportement du médecin ne bénéficie pas de la couverture offerte par l'art.9. En effet, ce droit ne peut pas se référer à l'assistance qui précède et qui suit l'intervention ; elle consent uniquement au médecin objecteur le droit de refuser de procéder à l'avortement en soi. L'objection de conscience exonère « de l'obligation de réaliser des interventions spécifiquement et nécessairement destinées à mettre fin à une grossesse ». Le médecin se doit avant tout de protéger la santé et la vie de la femme. Le refus d'assistante pré ou post intervention se traduit en un délit de refus d'acte entrant dans ses fonctions (art.328 CP italien). En l'espèce, le médecin objecteur a été condamné à ce titre car il s'agissait d'un acte de santé nécessaire dans une situation de risque objectif pour la patiente qui n'avait pas encore expulsé le placenta. D'un côté la loi protège le droit d'objection de conscience dans les limites des activités médicales directes à l'interruption de la grossesse, activités en dehors desquels le médecin ne peut se prévaloir de son droit. D'un autre coté, le droit à l'avortement est reconnu comme faisant partie de la sphère d'autodétermination laissée à l'appréciation de la femme. Si l'objecteur de conscience peut légitimement refuser d'intervenir lors de la mise en œuvre concrète du droit dont dispose la femme, il ne peut pas se refuser à intervenir pour garantir le droit à la santé de cette dernière, non seulement dans la phase suivant l'intervention, mais également dans tous les cas où la femme court un danger imminent. L'objection de conscience ne peut donc être soulevée lorsque l'intervention personnelle du personnel médical objecteur est essentielle pour sauver la vie de la femme. À titre comparatif, en France, le Code pénal condamne en son art. L.223-6 la non assistance à personne en danger. Ainsi, comme en Italie, le médecin en France ne saurait invoquer la « clause de conscience » en cas d'urgence vitale.

 

Dans une décision de la Cour constitutionnelle du 21 mai 1987 n.196, le juge a apporté une autre limite. En l'espèce, une mineure désirait avorter mais ses tuteurs refusaient de donner leur accord. L'établissement de santé s'adresse au juge comme le prévoit la loi n.194 à l'art.12. Or le juge soulève une question de légitimité constitutionnelle pour disparité de traitement entre lui et le personnel médical et paramédical. En effet, il souhaitait, en raison d'un « irrémédiable conflit entre sa conscience et les obligations qui découlent de sa fonction », pouvoir se prévaloir lui aussi de l'objection de conscience. Il se fonde pour cela sur les art.2, 19 et 21 de la Constitution italienne, lesquels garantissent les droits inviolables de la confession religieuse et de la liberté de pensée. La Cour constitutionnelle rejette la demande ; l'intervention du juge est « externe » et ne tient « qu'à la sphère de la capacité (ou incapacité) de la personne ». Par conséquent, concernant les personnes pouvant se prévaloir du droit d'objection, la jurisprudence a préféré opté pour une interprétation restrictive : il doit y avoir un lien de causalité entre l'acte d'avortement direct et les activités du personnel médical, faute de quoi le droit d'objection ne pourra être invoqué. On note toutefois des différences d'interprétation entre, d'un côté, le juge administratif, lequel a admis par exemple qu'un médecin en laboratoire pouvait invoquer ce droit lorsque les analyses qu'il était amené à effectuer étaient en lien direct avec l'interruption de la grossesse (décision du TAR Emilie Romagne du 29 janvier 1981 n.30), et d'un autre côté, le juge pénal qui exclut toutes les activités préparatoires à l'VG, condamnant ainsi le médecin qui refusait d'effectuer un l'électrocardiogramme (décision Pret. Ancona du 9 octobre 1979).

 

Plus surprenant, certains auteurs avancent l'idée que la pilule du lendemain serait une forme d'avortement médicamenteux. Cette hypothèse n'est validée ni par le monde scientifique, ni par la jurisprudence (décision du TAR du Lazio de 2001 n.8465). Mais la question reste sensible. Une proposition de loi sur le droit à l'objection de conscience des pharmaciens présentée en 2016 par des députés italiens remettait ainsi en cause ce principe, au risque de mettre en péril le service public (et le droit à la santé) ainsi que l'application de la loi 194. On peut facilement constater l'influence de l'Eglise à travers cette proposition de loi puisqu'elle débute par une citation du pape Jean Paul II et une référence aux propos du pape François. Cela peut paraître surprenant dans une Italie laïque au sens de l'art.7 de la Constitution. En France, le Conseil National de l'Ordre des Pharmaciens avait lui aussi proposé d'insérer dans son Code de déontologie une clause de conscience, laquelle aurait permis aux pharmaciens de refuser de délivrer une pilule du lendemain par exemple. Face à la polémique et à la profession très divisée sur le sujet, le Conseil National a décidé de suspendre la consultation de la profession sur l’éventuelle introduction de cette clause. En France comme en Italie, la question se pose : si le droit à l'objection de conscience est accordé aux pharmaciens, pourquoi ne le serait-il pas aux enseignants, lesquels pourraient se refuser à évoquer le thème de l'IVG ?

 

On peut légitimement considérer que le point d'équilibre entre le droit à l'autodétermination de la femme et le droit à l'objection du médecin se trouve dans la garantie de continuité du service. Pour cela, les établissements de santé se doivent toujours de pouvoir assurer les procédures relatives à l'IVG.

 

  • Des solutions possibles face à la polémique

 

Si la loi n.194 cherche à instaurer un équilibre entre les droits des femmes (droit à la vie, droit à la santé, droit de se déterminer librement dans les choix touchant à la procréation et à l'interruption de grossesse) et ceux du personnel médical (droit de soulever l'objection de conscience), on constate que de graves problèmes de mise en œuvre persistent encore.

 

Comme a pu le constater le Comité européen des droits sociaux du Conseil de l'Europe dans des rapports de 2014 et 2015, le nombre élevé d'objecteurs en Italie rend l'application de la loi n.194 difficile. Tout d'abord, cela conduit à des répercutions sur le fonctionnement des établissements de santé : les médecins non objecteurs sont débordés ; ils usent parfois de pratiques peu satisfaisantes sur le plan médical (endossant le rôle de gynécologue, d'anesthésiste et d'assistant à la fois) ; si l'unique médecin non-objecteur de l'établissement est en congé la prescription de la pilule abortive est suspendue et le numéro d'appel gratuit permettant d'obtenir des informations et des rendez-vous cesse de fonctionner (comme c'est le cas à Bari) ; si l'unique médecin non-objecteur prend sa retraite le service ferme (comme à Jesi). Cela a évidemment des répercutions sur les femmes voulant recourir à l'IVG. Celles-ci font face à des délais plus longs pour avorter (délais allongés de 3 à 4 semaines). Or plus l'avortement est tardif plus les risques sont importants. Par ailleurs, elles peuvent être contraintes de se déplacer d'une région à l'autre. Or là aussi cela peut comporter des risques pour leur santé. Le gouvernement se défend en avançant que le nombre d'IVG est en constante diminution et qu'en conséquence le nombre élevé d'objecteurs, voire son augmentation, n'a pas d'impact sur l'accès à ce droit. En France, près de 220 000 femmes ont eu recours à l'IVG en 2012 et plus d'une femme sur trois a eu recours à l'IVG au cours de sa vie. En Italie, près de 235 000 femmes ont eu recours à l'avortement en 1982, ce chiffre est descendu à 107 192 femmes en 2012 et 97 535 en 2014. Parallèlement, le nombre de fausses couches chaque année a augmenté entre 1983 et 2013 de 93,2 pour 1000 naissances à 138,5. Outre les progrès non négligeables en matière de contraception, ne doit-on pas voir dans ces chiffres alarmants une conséquence de l'augmentation des objecteurs de conscience et de la difficulté d'avoir recours à l'IVG ?

 

Pour faire face à ces problèmes, mais également pour faire face à la fuite des femmes cherchant à avorter dans des pays voisins, faire face aux milliers d'avortements clandestins pratiqués chaque années en Italie (estimés en 2012 à 15.000 par le ministère de la Santé et 50.000 par les associations), des propositions de réformes ont étés faites.

 

Dans une motion adressée au gouvernement en 2013, la Chambre des députés italienne proposait un rééquilibrage du personnel en faisant jouer la mobilité des effectifs et en instaurant des quotas minima qui imposeraient au moins 50% de personnel non objecteur dans les hôpitaux publics. L'Association italienne des non-objecteurs de conscience (Laiga) propose que les médecins objecteurs ne puissent pas exercer dans les services où est pratiqué l'IVG. Autre solution proposée par cette association : instaurer un tableau public dans chaque hôpital qui recenserait ses médecins objecteurs afin de garantir la transparence, ceux-ci n'assumant souvent pas leur statut d'objecteur. En soit, toutes ces propositions sont applicables, seule manque la volonté politique de les mettre en œuvre.

 

Un autre problème est celui de la discrimination des non objecteurs. Ces derniers sont souvent discriminés, victimes d'intimidations, voire de harcèlement moral, par des groupes religieux et des pro-vie (tous deux très présents dans les structures hospitalières italiennes), contraints de travailler seuls, faisant des heures supplémentaires généralement non rémunérées et réduits à ne pratiquer plus que des actes d'interruption de grossesse. Le droit à l'objection de conscience est devenu une façon indirecte d'obtenir une promotion de carrière, là où parallèlement les non-objecteurs voient leur carrière stagner. Plus inquiétant encore, l'auteur Chiara Lalli, dans son ouvrage intitulé C'è chi dice non, a constaté que certains objecteurs de conscience dans le secteur public se faisaient rémunérer dans le secteur privé pour pratiquer des IVG. On peut légitimement se demander si une partie du personnel de santé n'est pas objecteur pour des raisons d'opportunité plus que de morale.

 

Le professeur italien Giovanni Boniolo a comparé l'objection de conscience en matière d'IVG et l'objection de conscience en matière militaire. En matière militaire, les personnes effectuant leur service militaire qui ne souhaitaient pas utiliser d'armes devaient exposer leurs motivations devant une commission. Si celle-ci acceptait, la personne devait effectuer huit mois de service militaire supplémentaires. Le droit d'objection avait donc un prix. En matière d'IVG, non seulement les médecins n'ont aucune justification à donner lors de leur déclaration, mais en plus l'objection de conscience ne leur coûte rien. En revanche, cela a un coût pour la collectivité, qui doit alors rémunérer un autre médecin pour le travail que le médecin objecteur refuse d'effectuer. Des propositions en guise de compensation pour les médecins non-objecteur ont été faites : accorder à ces derniers un accès privilégié dans certains domaines tels que la formation chirurgicale ou encore imposer aux médecins objecteurs plus d'activités de routine. « C'est une chose d'accorder et de chercher le plus possible de garantir les droits des minorités, s'en est une autre de violer, au nom de ces droits, ceux des autres citoyens, qui plus est prévus par la loi. Le risque est celui de voir partir en fumer l'idée de l'égalité de tous face à la loi. Ca serait alors le chaos » conclut Giovanni Boniolo lors du Congrès sur la Grossesse et les difficultés sociales organisé par la Fondation Giorgio Pardi à Milan les 11 et 12 octobre 2016.

 

 

On peut remarquer que dès 1978, le législateur italien avait prévu les difficultés d'application de sa loi. Tout d'abord, l'art.16 de la loi impose au Ministre de la santé de présenter annuellement un rapport sur la mise en œuvre de la loi et sur ses effets. Par ailleurs, il est confié aux autorités de santé régionales de veiller à la bonne application de la loi. En réalité le débat relatif à l'objection de conscience fait face à un conflit entre norme juridique et norme morale : faire ou ne pas faire. L'objection de conscience ne doit pas devenir un droit permettant de se soustraire à la loi pénale qui condamne la non assistance à personne en danger ainsi que le refus d'activité découlant de la fonction. En 2017, les médecins peuvent-ils encore se prévaloir de ce droit d'objection accordé il y a 40 ans ? Ce droit serait-il devenu une faille ? Le comportement des objecteurs a de graves répercussions sur le fonctionnement impartial des institutions publiques. Les femmes doivent avoir le contrôle de leur santé et de leurs droits sexuels et reproductifs, et cela passe inévitablement par un accès sans obstacles à la contraception et à l'avortement. Or, l'Italie est un de ces pays où il y a encore beaucoup à faire pour protéger correctement les femmes et le droit à l'avortement.

 

 

Bibliographie

 

Textes législatifs :

http://www.salute.gov.it/imgs/c_17_normativa_845_allegato.pdf

https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=DB0824DA9937C7ABB3DAFE6090EFF636.tpdila17v_2idArticle=LEGIARTI000033865551&cidTexte=LEGITEXT000006072665&categorieLien=id&dateTexte=

 

Décisions de justices et rapports :

http://www.giurisprudenza.unipr.it/sites/st07/files/allegatiparagrafo/16042014/sent_cass_penale_sez_vi_obiezione_di_coscienza_e_aborto.pdf

http://www.salute.gov.it/imgs/C_17_pubblicazioni_2226_allegato.pdf

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https://www.conseil-national.medecin.fr/article/clause-de-conscience-du-medecin-1160

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http://hudoc.esc.coe.int/fre/?i=cc-87-2012-dadmiss-fr

 

Revues et articles :

http://www.rivistaaic.it/aborto-farmacologico-e-attivit-di-secondamento-la-disobbedienza-intermittente-nella-dimensione-dei-doveri.html

http://www.penalecontemporaneo.it/d/2736-quando-volere-non-e-potere-in-tema-di-obiezione-di-coscienza

http://www.altalex.com/documents/news/2013/05/29/medico-obiettore-di-coscienza-deve-comunque-assistere-paziente-dopo-l-aborto

http://www.penalecontemporaneo.it/d/2371

https://oggiscienza.it/2016/10/14/obiezione-coscienza-aborto-italia-etica/

http://www.regione.emilia-romagna.it/affari_ist/Rivista_1_2015/Grandi.pdf

http://www.regione.emilia-romagna.it/affari_ist/Rivista_1_2015/Pioggia.pdf

https://oggiscienza.it/2016/07/27/aborto-proposta-legge-farmacisti-obiettori/

http://www.liberation.fr/france/2016/07/20/l-acces-a-la-contraception-menace-par-une-clause-de-conscience-des-pharmaciens_1467492