L’intégration des salariés à l’entreprise : sur qui pèse la charge de la preuve ? - par Raphaël Callsen

La question de savoir quels salariés sont intégrés à une entreprise et celle de l’attribution de la charge de cette preuve a fait l’objet, dans les derniers mois, de deux importantes décisions de justice. Rendues par les cours suprêmes allemandes et française, elles abordent cette question dans deux contextes différents, mais leurs solutions se rejoignent. Elles reviennent à faire peser sur l’employeur la charge de la preuve concernant le nombre, l’identité et la qualité des salariés travaillant dans son entreprise.

Au mois de novembre, la chambre sociale de la Cour de cassation s’est prononcée sur la qualité d’électeurs aux élections professionnelles de salariés mis à disposition d’une autre entreprise ou d’une filiale (Cass. Soc., 13 novembre 2008, n° 07-60.434). Sur le fondement de la notion d’« intégration étroite et permanente à la communauté de travail » elle leur a reconnu cette qualité. De plus, elle a affirmé qu’il incombait à l’employeur de justifier d’avoir correctement établi les listes d’électeur. Cela revient à faire peser sur ce dernier la charge de la preuve de l’intégration étroite et permanente (cf. B. Ines, Dalloz Actualité, 24 novembre 2008). Il faut noter cependant que cette décision n’améliorera que très peu la situation des salariés mis à disposition car la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 a inséré deux nouveaux articles L. 2314-18-1 et L. 2324-17-1 au Code du travail qui soumettent l’accès à la qualité d’électeur à une nouvelle condition : une présence assez longue dans l’entreprise utilisatrice de douze mois continus. Quelques mois auparavant, en Allemagne, la Cour fédérale du travail (Bundesarbeitsgericht – BAG) avait également à trancher un litige où la détermination du nombre de salariés intégrés à un établissement jouait un rôle crucial (BAG, 26 juin 2008 – 2 AZR 264/07, en ligne sur http://www.bundesarbeitsgericht.de/). De ce chiffre dépendait l’application ou non de la loi de protection contre le licenciement (Kündigungsschutzgesetz – KSchG). La Cour fédérale utilise un système échelonné de répartition de la charge de la preuve qui, toutefois, pèse plus lourd sur l’employeur que sur le salarié. Ces deux décisions rendues dans des contextes différents soulignent l’importance que revêt le décompte correct des personnes qui travaillent dans une entreprise ainsi que la connaissance de la nature juridique de la relation qui les unit à l’entreprise où elles travaillent. Selon qu’ils sont salariés de l’entreprise ou salariés mis à disposition ou intérimaires, selon qu’ils travaillent à temps complet ou à temps partiel, etc. leur prise en compte varie. Du nombre des effectifs ainsi déterminé dépend par exemple la mise en place et composition des institutions représentatives du personnel ou, en Allemagne seulement, l’application de dispositions protectrices contre le licenciement. Qui doit prouver le nombre, l’identité et la qualité de personnes intégrées à une entreprise est déterminé en premier lieu par les règles générales sur la charge de la preuve (II). Mais selon la répartition des rôles procéduraux (I), l’attribution de la charge de la preuve à partir des règles générales peut poser problème. La jurisprudence française et allemande s’est alors efforcée de rééquilibrer la répartition de la charge de la preuve (III). Leurs solutions étant proches, elles pourraient s’inspirer des arguments et procédés utilisés chez leurs voisins (IV).

I. Répartition des rôles procéduraux

La situation procédurale est différente selon qu’il s’agit de contester des opérations électorales ou de contester, en Allemagne, un licenciement individuel. Le deuxième cas ne présente pas de spécificités. Tant en France qu’en Allemagne, ce sera pratiquement toujours le salarié qui contestera le licenciement et qui sera donc demandeur.

Dans le premier cas, cependant, l’attribution des rôles procéduraux est largement conditionnée par l’attribution légale des rôles dans l’organisation des élections des institutions représentatives du personnel.

En France, c’est à l’initiative de l’employeur que les élections sont organisées. Or, certains grands employeurs sont hostiles à l’idée de voir des personnes dont ils estiment qu’elles ne sont pas leurs salariés, notamment des salariés mis à disposition, voter lors des élections professionnelles dans leur entreprise (« Une impossibilité pratique – Entretien avec Thibaut Pichon, juriste responsable du groupe droit social, Michelin », in: Semaine sociale Lamy 2008, N° 1349, p. 5-6). Etant donné qu’il leur incombe d’établir les listes électorales et de négocier avec les syndicats intéressés le protocole d’accord préélectoral qui régira les opérations électorales (art. L. 2314-2 ss. et L. 2324-3 ss. C. trav.), ils ont le pouvoir d’exclure ces salariés des listes.

C’est alors en général un syndicat qui va demander la rectification des listes voire l’annulation des élections au motif que tous les électeurs n’ont pas été pris en compte (v. p.ex. Cass. Soc., 28 fév. 2007, n° 06-60171, Bull. 2007, V, N° 34 – Peugeot-Citroën; Cass. Soc., 1er avr. 2008, n° 07-60287, Bull. 2008, V, N° 77 – Hispano Suiza; Cass. Soc. 13 nov. 2008, n° 07-60434 – Peugeot-Citroën; Cass. Soc. 13 nov. 2008, n° 07-60465 – Airbus). L’employeur se retrouve donc typiquement en situation de défendeur, tandis que le syndicat prend le rôle du demandeur en première instance.

En Allemagne, la situation se présente de façon différente. Car le rôle de l’employeur lors de l’organisation des élections au conseil d’établissement (Betriebsrat), unique institution élue au niveau de l’établissement, est beaucoup moins décisif. C’est en effet un bureau électoral (Wahlvorstand) constitué de salariés qui établit la liste électorale et qui organise les élections (art. 1 ss. du décret d’application concernant le déroulement des élections au conseil d’établissement -Wahlordnung – WO-). Ce bureau électoral est nommé par le conseil d’établissement sortant ou, à défaut, par les conseils des niveaux supérieurs ou, encore à défaut, par l’assemblée générale du personnel (art. 16 et 17 de la loi concernant l’organisation des établissements (Betriebsverfassungsgesetz – BetrVG). Le bureau procède à l’établissement des listes électorales avec l’aide de l’employeur, qui doit fournir toutes les informations et mettre à disposition tous les documents nécessaires. Mais il reste indépendant de l’employeur, qui n’est pas membre de l’institution, et peut donc inclure un maximum de personnes sur la liste.

Ce sera alors en général l’employeur qui demandera l’annulation des élections au motif qu’ont participé des personnes qui n’avaient pas la qualité d’électeur (v. p.ex. BAG, 16 avril 2003, 7 ABR 53/02, BAGE (Recueil officiel) 106, p. 64; Landesarbeitsgericht Hamburg, 16 novembre 2007, 6 TaBV 18/06).

Cette différente répartition des rôles procéduraux se répercute sur la manière dont la problématique de la charge de la preuve est perçue dans les deux pays.

II. La charge de la preuve : règles générales

Chaque partie au procès civil ou prud’homal doit d’abord alléguer les faits propres à fonder ses prétentions (art. 6 CPC). C’est la charge de l’allégation (Darlegungslast). Ensuite, elle doit « prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » (art. 8 CPC). L’art. 1315 C.civ. précise alors que « (c)elui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver » (al. 1) et que celui qui se prétend libéré doit justifier le fait l’ayant éteint (al. 2). En Allemagne, il n’existe pas de disposition légale générale mais un principe général qui exprime la même idée: le demandeur doit prouver les éléments qui fondent sa prétention, le défendeur ceux qui l’empêchent, l’anéantissent ou la suspendent (H. Prütting, in : Germelmann, ArbGG, 6. Aufl. 2008, § 58 n° 77).

Ce qui est globalement appelé la charge de la preuve (Beweislast) consiste alors en deux éléments. D’un côté, elle implique la charge de produire les moyens de preuve nécessaires au succès de la prétention. De l’autre côté, c’est un mécanisme qui répartit le risque du doute, et c’est là sa fonction essentielle. La partie qui porte le fardeau de la preuve succombera en sa demande si la preuve de sa prétention n’est pas rapportée (cf. Ferrand, Rep. proc. civ., v° Preuve, n° 117/118). La doctrine allemande distingue ici charge de la preuve subjective ou charge de la production des preuves (subjektive Beweislast oder Beweisführungslast), d’un côté, et charge de la preuve objective ou materielle (objektive oder materielle Beweislast), de l’autre côté, la dernière étant caractérisée comme une répartition légale du risque de la preuve (H. Prütting, in : Germelmann, ArbGG, 6. Aufl. 2008, § 58 n° 74/75).

S’agissant de déterminer le nombre et l’identité concrète des salariés mis à disposition et intégrés à une entreprise, ce risque de ne pas pouvoir prouver est réel. Car pour établir une liste détaillée, il faudrait par exemple exploiter les registres du système de sécurité et de badgeage, étudier les contrats commerciaux pour connaître le nom des sociétés extérieures, étudier les plans de prévention (art. R. 4512-7 C. trav.) ou encore les courriers adressés aux fournisseurs (cf. F. Champeaux, in: Semaine sociale Lamy 2008, N° 1349, p. 2, spéc. p. 3 en bas).

Or, tous ces moyens de preuve se trouvent dans la sphère de contrôle de l’employeur. Syndicat ou salarié n’y ont régulièrement pas accès. Certes, ils peuvent demander au tribunal ou au conseil de prud’hommes (cf. art. 749 CPC) d’ordonner des mesures d’instruction ou d’enjoindre à l’employeur de produire les éléments de preuve nécessaires (art. 10 et 11 CPC ; art. 56 Loi allemande sur les juridictions du travail (Arbeitsgerichtsgesetz – ArbGG), art. 46 ArbGG et art. 142, 144 Code de procédure civile allemand (Zivilprozessordnung – ZPO)). Mais vu que certaines entreprises prétendent que même pour eux, c’est une « impossibilité pratique » de savoir quelles personnes travaillent concrètement sur leurs sites (« Entretien avec Thibaut Pichon, juriste responsable du groupe droit social, Michelin », in: Semaine sociale Lamy 2008, N° 1349, p. 5-6), on mesure la difficulté pratique d’obtenir tous les éléments de preuves.

Dans une telle situation, la répartition de la charge de la preuve acquiert une importance décisive. Si, en application de la règle générale, elle pèse sur l’employeur, comme c’est le cas lors de la contestation des élections professionnelles en Allemagne, cela paraît justifié ; le sujet est alors à peu près absent de la jurisprudence. Mais si elle pèse sur le salarié ou sur le syndicat, ces derniers sont structurellement défavorisés. N’ayant pas accès aux données nécessaires pour prouver leur prétentions parce qu’elles se trouvent dans la sphère de l’employeur, le juge devrait en cas de doute décider en faveur de l’employeur. Cela viderait les droits du salarié ou du syndicat de leur contenu. Le législateur et la jurisprudence se sont alors efforcés de rééquilibrer les positions procédurales. Les arrêts présentés au début en sont une illustration récente.

III. Aménagements jurisprudentiels : à la recherche d’un équilibre

Les deux arrêts français et allemand retiennent chacun une solution favorable au salarié. Ils opèrent un quasi-renversement de la charge de la preuve. Mais l’intensité, la technique et le raisonnement appliqué se distinguent.

1. La solution allemande : une charge de la preuve échelonnée

Les faits à la base de l’arrêt de la Cour fédérale du travail du 26 juin 2008 étaient simples : un employeur avait licencié une salariée sans indiquer de cause. Or, la loi de protection contre le licenciement qui exige une « justification sociale » (soziale Rechtfertigung) pour qu’un licenciement soit valable (art. 1 KSchG) ne trouve à s’appliquer que dans les établissements comptant plus de dix salariés (art. 23 al. 1 KSchG). La salariée licenciée demanda au juge de constater la nullité du licenciement et le paiement de son salaire. Elle allégua que le laboratoire où elle travaillait employait quatorze salariés. L’employeur par contre fit valoir, en proposant des preuves, que seules sept personnes étaient salariées, les autres ayant des statuts différents, ne travaillant pas à temps complet ou ayant cessé leur activité dans le laboratoire. La salariée licenciée contesta ces allégations, mais sans disposer de moyens de preuve. Les juges de première et deuxième instance avaient alors débouté la salariée de sa demande au motif qu’elle n’avait pas prouvé que la loi de protection contre le licenciement était applicable en l’espèce, condition nécessaire au succès de sa prétention. La Cour fédérale du travail casse et renvoie l’affaire. D’abord elle réaffirme la règle générale selon laquelle, en principe, la charge de la preuve de l’application de la Kündigungsschutzgesetz incombe au salarié demandeur. (N.B. : Il n’existe pas de codification mais une multitude de lois du travail en Allemagne, chacune définissant son champ d’application spécifique.). Elle s’oppose ainsi à des opinions émises en doctrine et parfois suivies en jurisprudence préconisant, depuis la réforme de la Kündigungsschutzgesetz en 2003, explicitement une appréciation contraire (P.ex. H. Prütting, in : Germelmann, ArbGG, 6. Aufl. 2008, § 58 n° 91 sous « Kündigungsschutz » ; Landesarbeitsgericht Berlin-Brandenburg, 20 mars 2008, 5 Ta 226/08, en ligne sur http://www.gerichtsentscheidungen.berlin-brandenburg.de). Toutefois, cette position catégorique ne concerne que la charge de la preuve objective, l’attribution du risque du doute. Pour le reste, sa position est nuancée (v. point 26 de l’arrêt). Elle reconnaît que la production des preuves ne peut pas incomber uniquement au salarié demandeur et réaffirme un système échelonné (abgestufte Darlegungs- und Beweislast). Salarié et employeur doivent chacun alléguer et prouver les faits qui sont dans leur sphère respective. Concrètement, le salarié doit d’abord seulement faire état de tous éléments dont il a connaissance. Ensuite, il incombe à l’employeur de s’expliquer de manière détaillée sur les salariés dans son entreprise tout en précisant les moyens de preuve disponibles. Le salarié demandeur peut alors reprendre à son compte les moyens de preuve apportés par l’employeur. Le juge doit, le cas échéant, lui rappeler cette possibilité. C’est uniquement lorsqu’à la fin de ce processus un doute subsiste qu’il produira ses effets au détriment du salarié demandeur. Les raisons venant à l’appui de cette répartition sont essentiellement au nombre de deux. L’une est constitutionnelle, l’autre pratique. En premier lieu, il s’agit de tenir compte de l’influence des droits fondamentaux, notamment de la liberté professionnelle (Berufsfreiheit, art. 12 al. 1 de la Loi Fondamentale), sur la procédure (point 18 de l’arrêt). La volonté de conserver son emploi étant une position constitutionnellement protégée, il s’interdit de lui opposer des obstacles procéduraux trop important, selon la Cour fédérale constitutionnelle (Bundesverfassungsgericht – BVerfG), par exemple en obligeant le salarié à prouver des faits qui ne relèvent pas de sa sphère (BVerfG, 6 oct. 1999 – 1 BvR 2110/93, NZA 2000, p. 110, spéc. p. 111). Le second argument est celui de la « proximité de la preuve » (Beweisnähe), c’est-à-dire que l’on tient compte de la disponibilité de la preuve pour chaque partie. L’employeur est présumé pouvoir donner sans effort particulier des informations précises et détaillées sur les personnes qui travaillent dans son entreprise. Pour le salarié en revanche, qui n’a en général pas accès à ces informations, cela constituerait une charge excessive. Par conséquent, on demande à l’employeur de produire les moyens de preuve nécessaires (point 18 de l’arrêt). (Cf. à propos du droit espagnol : L'attribution de la charge de la preuve : facilité et disponibilité - Par Olivier Javel).

2. La solution française : un quasi-renversement de la charge de la preuve

Dans l’arrêt du 13 novembre 2008, la Cour de cassation s’est prononcée sur le critère permettant à déterminer si des salariés mis à disposition sont inclus dans le décompte des effectifs et s’ils ont la qualité d’électeur dans l’entreprise d’accueil.

Dégagé par le Conseil constitutionnel, le critère est celui de « l’intégration étroite et permanente à l’entreprise » et découle du droit de participation, protégé par l’alinéa 8 du préambule de la Constitution de 1946 (Cons. const., 28 déc. 2006 – n° 2006-545, JO 31 déc. 2008, p. 20320). La Cour de cassation l’a aussitôt repris et utilisé comme critère commun à la détermination de l’effectif et de l’électorat (Cass. Soc., 28 fév. 2007, n° 06-60171, Bull. 2007, V, N° 34 – Peugeot-Citroën; obs. M.-L. Morin, RDT 2007, p. 229). A la prochaine occasion (Cass. Soc., 1 avril 2008, n° 07-60287, Bull. 2008, V, N° 77 – Hispano Suiza), elle a précisé les contours de la notion, mais a également abordé de manière implicite la question de la charge de la preuve. Le tribunal d’instance avait fait peser la charge de la preuve de l’intégration sur le syndicat demandeur. De la réponse de la Cour de cassation énonçant que les salariés intégrés à l’entreprise avaient « nécessairement » la qualité d’électeur, on pouvait déjà déduire un rejet de cette position (E. Peskine, RDT 2008, p. 403).

La confirmation de ce point de vue est intervenue avec l’arrêt du 13 novembre 2008 où la Cour de cassation aborde pour la première fois explicitement la question de la charge de la preuve. Au visa de l’article 1315 C.civ. elle estime que « l’employeur étant tenu d’établir la liste électorale, il lui appartient, en cas de contestation, de fournir les éléments nécessaires au contrôle de sa régularité ». Le critère de l’intégration étroite et permanente n’est alors pas apprécié en tant que fait indépendant à prouver, mais rattaché, en tant que condition à étudier de manière préalable, à l’obligation de l’employeur d’établir la liste électorale. La charge de la preuve de la bonne exécution de cette obligation pesant, en vertu de l’art. 1315 al. 2 C.civ., sur l’employeur, il est alors aussi obligé de prouver, incidemment, quels salariés sont ou non intégrés de manière étroite et permanente à son entreprise (cf. B. Ines, Dalloz Actualité, 24 novembre 2008).

Cependant, il ne ressort pas de manière tout à fait claire qui doit supporter le risque du doute. L’arrêt dit seulement que l’employeur doit « fournir les éléments nécessaires au contrôle de (...) régularité (de la liste) ». Selon la distinction proposée en haut, il pourrait alors seulement s’agir de la charge de production des preuves qui pèse sur l’employeur.

IV. Remarques comparatives

A supposer que cette interprétation soit confirmée par de futures décisions, les solutions retenues en France et en Allemagne pour la répartition de la charge de la preuve s’agissant de la détermination du nombre et de l’identité des salariés intégrés à une entreprise sont quasi identiques.

Les arguments retenus montrent, en revanche, des différences d’échelle. En Allemagne, ils sont d’ordre général, tandis qu’en France ils sont plutôt techniques. Une idée est présente partout, de manière implicite ou explicite : doit fournir les éléments de preuve nécessaires celui qui y a le plus facilement accès. La prise en compte de la dimension constitutionnelle par contre pourrait être renforcée en France. La source constitutionnelle du droit de participation pourrait ainsi servir d’argument supplémentaire pour justifier la répartition retenue de la charge de la preuve.

En outre, le mécanisme de la charge de la preuve échelonnée pourrait représenter une modèle afin de répartir la charge de la preuve de manière plus équilibrée dans d’autres litiges du travail en France. Car la répartition actuelle, notamment en matière de licenciements, est jugée par certains comme contraire au droit à un procès équitable (art. 6 CEDH ; cf. B. Teyssié, « La preuve en droit du travail », in : Puigelier, La preuve, p. 73, spéc. p. 88). Le mécanisme de la charge de la preuve échelonnée ressemble par exemple à celui prévu à l’art. L. 1134-1 C.trav. (L. 122-45 al. 4 ancien) concernant les discriminations et pourrait donc s’intégrer sans difficultés majeures au système français. La prise en compte de « l’aptitude à la preuve », qui est déjà une réalité, pourrait ainsi être renforcée (voir D. Jacotot, « Effectivité des règles de droit, aptitude à la preuve : vers une nouvelle attribution de la charge de la preuve », in E. Dockès (dir.), Au cœur des combats juridiques, Dalloz, « Thèmes et commentaires », 2007, p. 277; voir aussi : J.-Y. Frouin, « La preuve en droit du travail », in : Semaine sociale Lamy n° 1262, 2006, p. 6 et n° 1263, 2006, p. 6).

Bibliographie

- Champeaux, Françoise : « Les salariés mis à disposition au milieu du gué », Dossier, in: Semaine sociale Lamy 2008, N° 1349 (14 avril 2008), p. 2-6. - Ferrand, Frédérique : v° Preuve (Janvier 2006), in: Guinchard, Serge (dir.), Répertoire de procédure civile. Paris: Dalloz (Encyclopédie Juridique Dalloz). - Germelmann, Claas-Hinrich; Matthes, Hans-Christoph; Müller-Glöge, Rudi; Prütting, Hanns : Arbeitsgerichtsgesetz, Kommentar, 6., neubearb. Aufl., München : Beck, 2008 (cité : Germelmann, ArbGG). - Ines, B. : « Qualité d'électeur des salariés mis à disposition : nouveaux critères de l'intégration à la communauté de travail », obs. sous Cass. Soc. 13 nov. 2008, n° 07-60.434, Dalloz Actualité, 24 novembre 2008, en ligne sur http://www.dalloz.fr. - Morin, Marie-Laure : « Effectif et électorat : de la décision du Conseil constitutionnel du 28 décembre 2006 à l'arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2007 », in : RDT 2007, p. 229. - Peskine, Elsa : « Prise en compte dans les effectifs et intégration dans l'électorat : l'identité des critères » obs. sous Cass. Soc. 1er avr. 2008, n° 07-60.287, in : RDT 2008, p. 403. - Teyssié, Bernard : « La preuve en droit du travail », in : Puigelier, Catherine (dir.), La preuve, (actes d'un colloque organisé au Sénat les 13 et 14 février 2004 par l'Institut d'Études Judiciaires de la Faculté de Droit de l'Université Paris XIII), Paris : Economica 2004, p. 73–88.

Lois allemandes

Toutes les lois sont disponibles – en allemand uniquement – sur http://www.gesetze-im-internet.de/.

Arbeitsgerichtsgesetz – ArbGG dans sa rédaction de la communication officielle du 2 juillet 1979 (BGBl. I p. 853, 1036), dernière modification par l’article 4f Loi du 21 décembre 2008 (BGBl. I p. 2940).

Zivilprozessordnung – ZPO dans sa rédaction de la communication officielle du 5 décembre 2005 (BGBl. I p. 3202; 2006 I p. 431; 2007 I p. 1781), dernière modification par l’art. 1 Loi du 30 octobre 2008 (BGBl. I p. 2122).

Betriebsverfassungsgesetz – BetrVG du 15 janvier 1972 dans sa rédaction de la communication officielle du 25 septembre 2001 (BGBl. I p. 2518), dernière modification par l’article 4 Loi du 12 août 2008 (BGBl. I p. 1666).

Wahlordnung – WO (Erste Verordnung zur Durchführung des Betriebsverfassungsgesetzes) du 11 décembre 2001 (BGBl. I p. 3494), modifié par l’article 2 du décret du 23 juin 2004 (BGBl. I p. 1393).

Kündigungsschutzgesetz – KSchG, dans sa rédaction de la communication officielle du 25 août 1969 (BGBl. I p. 1317), dernière modification par l’article 3 Loi du 26 mars 2008 (BGBl. I p. 444).