Découvrez "Mise en scène" de Danell et O'Kane (du 18/09 au 31/10) au Centre Culturel Irlandais

L’exposition « Mise en scène » de Cecilia Danell et Eamon O’Kane (du 18 septembre au 31 octobre) au Centre Culturel Irlandais.

 

Intrigué par la singularité de son espace, j’ai franchi les grandes portes du Centre Culturel Irlandais ce dimanche 10 octobre afin de découvrir une exposition inédite. Bien caché non loin derrière le Panthéon, le CCI contient des petits trésors insoupçonnés…

 

Mais qui sont-ils ?

J’ai eu le grand plaisir, d’abord via leur site internet, de découvrir le Centre Culturel Irlandais, ayant pour mission de représenter et promouvoir la culture irlandaise en France. La directrice et le personnel sont nommés par la Fondation Irlandaise, qui gère le lieu depuis 1805. Situé dans le bâtiment historique du Collège des Irlandais, en plein coeur du quartier Latin, le  présente les oeuvres d’artistes irlandais contemporains, soutient les relations franco-irlandaises et leur riche héritage, et accueille une communauté de résidents vibrante et créative. Outre la diversité de son programme culturel, le lieu est doté d’une Médiathèque, premier centre de ressources sur l’Irlande en France, ainsi que d’une Bibliothèque

patrimoniale et d’archives historiques. La Fondation Irlandaise est responsable du bâtiment depuis le Décret Consulaire de Napoléon Bonaparte qui a conduit à la consolidation des différentes séminaires et fondations anglaises, écossaises et irlandaises au sein du seul Collège des Irlandais.

Une exposition combinant la nature vierge et son appropriation par l’homme.

Tout en valorisant la richesse culturelle et prolifique du cinquième arrondissement, l’édifice présente de manière temporaire l’exposition Mise en scène. Cette dernière réunit peintures, dessins et sculptures de Cecilia Danell, artiste suédoise basée en Irlande, et Eamon O'Kane, artiste irlandais basé au Danemark. Tous deux explorent le thème du rapport au paysage. En attirant l’attention sur l'activité humaine, que ce soit des fragments de bois en décomposition, des constructions architecturales ou des arbres sacrés, leurs approches bouleversent la notion romantique de la nature en tant qu'espace sauvage. Ces œuvres donnent à voir la manière selon laquelle des lieux deviennent imprégnés d’artifices, voire de théâtralité . Cette exposition dépeint l'empreinte que l'homme laisse sur l'environnement. 

Les installations d’Eamon O’Kane contiennent de nombreux arbres, la plupart très bien détaillés et représentés grâce à différents outils. Par exemple, on peut apercevoir un majestueux sycomore dessiné au fusain, qui s’élevait depuis le début du XVIIème siècle sur le terrain de sa maison familiale dans le comté du Donegal. L’arbre est tombé lors d’une tempête en 1999 et depuis, l’artiste s’en est servi pour de nombreuses installations et sculptures. Ses tableaux, comme ceux de Cecilia Danell, changent ma manière de voir la nature sauvage. Les codes romantiques d’une nature ordonnée et abondante sont brisés et l’on remarque sur les tableaux des végétations non entretenues, vierges de toute activité humaine avec des troncs peints et fendus par les intempéries.

Seul à explorer l’exposition, je déambule et observe méticuleusement les oeuvres les unes après les autres. A l’inverse des premières créations, les suivantes attirent plutôt l’attention du spectateur sur l’impact de l’homme sur la nature. Le travail de Cecilia Danell explore la façon dont un endroit peut s’imprégner d’ « artifice ». En effet, les vestiges délabrés, les lignes des troncs d’arbres sont accentués par des couleurs inattendues et peu naturelles, comme l’apparition d’un violet assez criard, ce qui fait toute l’originalité des tableaux. Danell nous fait bien comprendre que ce qu’elle donne à voir est une pure construction.

Le cadrage est aussi un sujet récurrent dans l’oeuvre de ces deux artistes, et en particulier la manière dont les bâtiments sont conçus pour être appréciés dans un cadre aménagé et inversement, la manière dont le paysage est vu de l’intérieur d’un bâtiment construit. La villa E-1027 (maison d’Eileen Gray dans le Sud de la France) est un des exemples que donne Eamon O’Kane dans ses toiles. Les représentations que propose Cecilia sont des constructions plus simples et reflètent ses propres rencontres avec le paysage scandinave. Elle exploite, si je puis dire, ce qu’il y a de poétique et de théâtral dans les végétations jugées trop transformées par l’homme et qui ne l’attirent plus. Son grand tapis exposé au mur, ainsi que ses deux sculptures, poussent cette idée encore plus loin en jouant avec des matières organiques et des reliefs. Danell considère que ses représentations sont « comme le théâtre, elles ont en commun d’être faites pour ressembler à une chose, et pourtant elles ne parviennent pas à en livrer un véritable portrait.»

Le seul aspect que je pourrais reprocher à cette exposition est sûrement son manque de contenu. Seulement dix-huit pièces sont exposées, soit seize oeuvres murales et deux sculptures. Certes, cela suffit pour comprendre l’identité créative de ces deux artistes et le message qu’ils tentent de faire passer. Cependant, à peine immergé dans leur univers, je savais déjà que la fin était proche. Le centre culturel n’accorde aux artistes qu’une seule pièce de l’édifice pour présenter des expositions temporaires, je peux supposer qu’O’Kane et Danell étaient sans doute contraints de faire un choix draconien sur la sélection des oeuvres qu’ils allaient pouvoir exposer. En faisant le tour de la pièce de gauche à droite, je savais pertinemment qu’une fois avoir scruté ces quelques oeuvres, je n’aurais rien d’autre à découvrir dans une pièce cachée.

 Néanmoins, de nombreux catalogues placés à la fin en libre accès permettent de découvrir toute la richesse et la réflexion du travail de ces deux artistes.

Un lieu culturel polyvalent au passé incroyable

Hormis l’exposition, le Centre Culturel Irlandais possède plusieurs cordes à son arc ! Malgré le fait que de nombreuses activités aient été fermées ce dimanche, j’ai pu constater la présence d’une bibliothèque totalement consacrée à la littérature et aux auteurs nationaux. La collection d’origine de la bibliothèque du Collège des Irlandais fut entièrement perdue au cours de la Révolution. De plus, il existe des salles de conférences et des ateliers créatifs, servant de point de rencontre entre des artistes issus du pays natal et les curieux visiteurs français. Plus historiquement, le Centre Culturel Irlandais est situé dans le Collège des Irlandais, une ancienne résidence d’une importante communauté irlandaise de prêtres, séminaristes et étudiants laïcs, dont les origines remontent à 1578. La communauté collégiale de Paris fut instaurée comme le plus important collège irlandais à l’étranger, non seulement par le nombre d’étudiants accueillis, mais aussi par son influence en France et en Irlande. On attribue au Père John Lee, de Waterford, la création en 1578 de la toute première communauté collégiale irlandaise à l’étranger. De Versailles, Louis XIV accorda en 1677 sa première résidence permanente à la communauté irlandaise. En 1769, le préfet du Collège des Lombards, Laurence Kelly, avait acquis un hôtel particulier et du terrain, rue du Cheval Vert (l’actuelle rue des Irlandais). Après une importante rénovation et un agrandissement, ce bâtiment fut dès 1775 prêt à accueillir, sous le nom de Collège des Irlandais, des étudiants destinés à la fois à l’église et à d’autres disciplines. En 1807, le supérieur du Collège, Jean-Baptiste Walsh, persuada Napoléon de renommer la rue du Cheval Vert par décret préfectoral : elle devint alors « rue des Irlandais ».

Le centre Culturel Irlandais comme « vitrine de l’Irlande et de sa culture contemporaine au coeur de l’Europe ».

Après avoir survécu aux deux guerres mondiales, le collège sert quelques temps d’hôpital. En 2000, le gouvernement irlandais a annoncé l’accord des premiers financements pour la restauration du bâtiment, il a exprimé le désir qu’il devienne une vitrine de l’Irlande et sa culture contemporaine au cœur de l’Europe. L’inauguration du Centre Culturel Irlandais en 2002 place à nouveau le 5 rue des Irlandais aux avant-postes du développement des relations franco-irlandaises. Pas moins de huit auteurs ont publié des ouvrages concernant cette institution culturelle au fil du temps, notamment Patrick Boyle, The Irish College in Paris from 1578-1901 (London, 1901).

On fait le point

En résumé, cette exposition Mise en scène fut fort enrichissante, et l’événement comme le lieu dans lequel il a été présenté témoignent d’une forte volonté de conserver les liens solides qu’entretiennent la France vis-à-vis de l’Irlande. Etant donné le contexte de l’épidémie de Covid-19, munissez-vous de votre pass sanitaire et contemplez des oeuvres temporaires jusqu’au dernier délai du 31 octobre, des oeuvres qui plus est ont été exposées dans les quatre coins du monde. N’hésitez pas à attiser votre curiosité, découvrez de nouveaux horizons nationaux à travers une culture riche et diversifiée. Le CCI est ouvert tous les jours de 14H à 18H. L’entrée est gratuite pour tous, alors vous n’avez plus d’excuses.

 

Crédits photo : Karel Sauvage.