La Communication Decency Act, (Loi sur la décence dans les communications) : une tentative efficace de protéger les mineurs du contenu préjudiciable sur l’Internet aux Etats-Unis ?, par Maelys Herbere

La question de la régulation de l’Internet est au cœur de débats agités depuis le début de l’ouverture du réseau au grand public. Il en est ainsi car, contrairement aux autres médias, la spécificité de l’Internet tient du fait que l'administration des communications est indépendante des réseaux physiques ainsi que au fait que son caractère global dépasse largement les frontières étatiques, ne pouvant être soumis à aucun juridiction en particulier. La protection des mineurs contre le contenu préjudiciable est, à la fois en France et aux Etats-Unis une question importante à laquelle les législations tentent d’apporter une solution.

La protection de l'enfance sur l’Internet est un objectif politique majeur dans la plupart des pays démocratiques. Alors que cet outil est de loin le medium le plus utilisé par les jeunes, leur exposition croissante et souvent involontaire à des contenus qui leur sont préjudiciables suscite une constant inquiétude. Le gouvernement américain a tenté d’apporter une solution au problème que pose l’extrême facilite d’accès au contenu indécent sur l‘Internet en votant la Communication Decency Act (47 U.S.C. 201 et sec). Cette loi a pour objet notamment de réguler le contenu indécent et la pornographie sur Internet afin de protéger les mineurs. Toutefois, en 1997, la Cour Suprême des Etats-Unis a déclaré la loi partiellement anticonstitutionnelle, car elle portait atteinte à la liberté d’expression. Cet arrêt témoigne du profond attachement des américains au Premier Amendement à la Constitution qui consacre cette dernière. En France, l’opinion majoritaire estime qu’en tant que medium, l’Internet doit être soumis au même droit que les autres medias, qui est le droit en vigueur. Toutefois, des adaptations apportées par la jurisprudence permettent de suppléer l’article 227-24 du Nouveau Code Pénal qui interdit la pornographie destinée aux enfants.

 La question qui se pose à présent est celle de savoir si, étant donné la spécificité de ce medium qui ignore les frontières étatiques, la régulation du contenu indécent et immoral sur l’Internet peut-elle être efficace au niveau national dans chacun des deux pays ? Et la régulation du contenu indécent contre lequel on cherche à protéger les mineurs justifie la suppression des droits et libertés fondamentaux de l’internaute ?
            La Communication Decency Act a été voté par le Congrès américain en réponse aux peurs que le contenu indécent et la pornographie sur l’Internet ne se rependent de plus en plus et hors de toute réglementation. Le contenu indécent et la pornographie sur les chaines de télévisions et à la radio ayant déjà été placés sous contrôle du gouvernement (diffuser un contenu indécent est permis seulement à certaines heures, lorsque l’on peut légitimement penser que des mineurs n’écoutent pas), on pouvait donc s’attendre à ce que l’Internet ne fasse pas exception. La CDA marque la première tentative de régulation de l’Internet aux Etats-Unis. Le texte a été ajouté au Telecommunications Act de 1996 (47 U.S.C.) dont il est le Titre V et affecte l’Internet et les communications en ligne de façon importante en tentant de réguler à la fois l’indécence proposée à des mineurs ainsi que le contenu à caractère obscène dans sur le réseau. Voté par le Congrès le 1er février 1997 et signé par le Président Bill Clinton, la loi impose des sanction criminelles pour toute personne cherchant à  :            “ Produire, créer, solliciter ou diffuser un message de toute nature ou une image à caractère obscène ou indécent, sachant que le destinataire est un mineur de 18 ans, peu importe qu’il ait pris ou non l’initiative de la communication ... Envoyer ou rendre accessible à ces mêmes mineurs, par des services informatiques interactif, des message ou images considérés comme obscènes ou pornographiques…”            Dès sont entrée en vigueur, la CDA a été la proie de nombreuses critiques, en effet, la loi a été jugée trop attentatoire à la liberté d’expression. Même avant que cette loi ne soit déclarée partiellement anticonstitutionnelle par la Cour Suprême des Etats-Unis dans l’affaire Reno v. ACLU (521 U.S. 844,1997), celle-ci avait déjà fait l’objet de remise en cause par des juges fédéraux qui ont refusé d’appliquer une partie de cette loi (celle relative à la décence du contenu pour les mineurs), déclarant que celle-ci interférait et portait atteinte à la liberté d’expression des adultes. Le mois suivant cette décision, une autre Cour Fédérale américaine a invalidé la même partie de la CDA, arguant que celle-ci, destinée à protéger les mineurs contre l’indécence et la pornographie sur l’Internet, était bien trop vague et de ce fait, en l’absence de termes précis définissant son champs d’application, attentatoire à la liberté d’expression.

Le 26 juin 1997, un an après l’entrée en vigueur de la CDA, la Cour Suprême des Etats-Unis a confirmé cette décision et a donc déclaré la loi partiellement anticonstitutionnelle dans l’affaire Reno v. American Civil Liberties Union (551 U.S.844, 1997). La question qui se posait en l’espèce était celle de savoir si les disposition litigieuses de la CDA portaient manifestement atteinte au Premier Amendement à la Constitution car beaucoup trop vague dans sa définition du type de contenu qu’elle pénalisait ? La Cour a déclaré partiellement anticonstitutionnelle la partie de la CDA interdisant la diffusion d'images ou de textes obscènes ou indécents à des mineurs. Pour la Cour, la CDA ne laissait pas la possibilité aux parents de choisir par eux-mêmes quels types de contenus étaient acceptables pour leurs enfants. Elle a ajouté que la loi ne contenait pas suffisamment d’éléments permettant de démontrer que la transmission de contenu “indécent” était dépourvu de valeur social. Finalement, la Cour a conclu que la loi pourrait être “sauvée” si le terme “ou indécent” était supprimée du texte. En effet, pour la Cour, le mot "indécent" peut aussi censurer d'autres types d'expression non illicites et ainsi porter atteinte a la liberté d'expression en générale. L’opinion majoritaire, délivrée par Monsieur le Juge Stevens, souligne les divergences entre Internet et les autres moyens de communication. Le Juge Stevens a déclaré :

            “ Nous sommes convaincus que la CDA n’a pas la précision requise en vertu du Premier Amendement pour une loi qui tente de réguler la liberté d’expression. En effet, pour protéger les mineurs d’un contenu indécent, la loi porte atteinte aux droits des adultes de se transmettre ce genre de données entre eux, ainsi que de les recevoir. Ce fardeau pesant sur le droit des adultes est inacceptable.”

Cette décision constitue un point marquant : elle étend les droits de liberté d'expression définis par le Premier Amendement à l'internet. Si celle-ci peut paraître disproportionnée, elle n’est en fait qu’un rappel au Congrès que la définition des termes de la loi lui revient. En effet, il n’est pas du ressort des juges de pallier les manques et de rechercher qu’elle était l’intention du Congrès lorsqu’il a voté cette loi. De plus, une loi trop vague peut parfois justifier des abus, il est donc important que les termes de celle-ci soient clairement définis a priori. Cette décision s’intègre aussi parfaitement dans la lignée de la jurisprudence de la Cour Suprême qui fait prévaloir la liberté d’expression sur toute autre considération dans la plupart des cas.

            En 2003, le Congrès a donc amendé la CDA et a retiré les dispositions concernant le contenu indécent sur l’Internet qui avaient été déclarées anticonstitutionnelles par la Cour Suprême dans Reno v. ACLU.

Depuis, la partie de la CDA subsistante a également été remis en question lors d’un autre procès, cette fois-ci a propos des dispositions concernant l’obscénité dans l’affaire Nike v. Gonzales. Cette demande a été rejeté par la Cour Fédérale de New-York en 2005 et cette décision a été affirmée par la Cour Suprême des Etats-Unis en 2006. En réponse à l’invalidation d’une partie du CDA, le Congrès américain a voté la Child Online Protection Act (47 U.S.C. § 231) en 1998. Le but principal de cette loi était la régulation plus spécifique de l’accès des mineurs à un contenu préjudiciable sur l’Internet. Le texte prévoit que : " Toute personne qui, en connaissance de cause et informée du caractère du contenu, effectue via le web, dans le commerce interétatique ou avec l'étranger, une communication à des fins commerciales, accessible par tout mineur et comportant un contenu préjudiciable au mineur " est passible d'une peine d'amende de 50 000 dollars et/ou de six mois d'emprisonnement. Ainsi, les fournisseurs d’accès à Internet diffusant ce genre de contenu doivent en limiter l’accès aux mineurs et seront responsables en cas d’accès par des mineurs au contenu. La définition de “données nocives pour les mineurs” était clairement énoncée par le texte comme étant des données qui, selon les standards de la société contemporaine, faisaient manifestement appel à un “intérêt lubrique” et montraient des actes sexuels ou de la nudité. Cependant, la Child Online Protection Act a été à son tour invalidée juste après son entrée en vigueur par les cours fédérales, qui ont estimé qu'il constituait une atteinte à la liberté d'expression protégée par le premier amendement à la constitution. En effet, la loi fut un échec car l’installation d’un filtre empêcherait à tout individu d’avoir accès aux sites contenant les mots prédéfinis dans le logiciel de filtrage, y compris des sites dont le contenu ne serait pas indécent. Ceci va évidement à l’encontre de la liberté d’information. Enfin, visant à responsabiliser les écoles et bibliothèques subventionnées par l’Etat, et non plus les diffuseurs de contenus contraires à la décence, la Children Internet Protection Act (47 U.S.C. 254(h)) votée en 2000 par le Congrès américain, les obligent à protéger leurs ordinateur afin que les mineurs ne puissant pas accéder à des contenus préjudiciables pour eux. L’efficacité d’une telle protection est toutefois critique dans la mesure où il est difficile de contrôler l’âge d’un internaute à travers un ordinateur. Après avoir examiné la loi qui avait été jugé anticonstitutionnelle par la Cour de Pennsylvanie, la Cour Suprême a déclaré que la CIPA était conforme à la liberté d’expression garantie par le Premier Amendement à la Constitution. Toutefois, consciente que cela pourrait engendrer des difficultés sur un plan constitutionnel, la Cour précise que le responsable de la bibliothèque ou du cyber café doit soit désactiver le filtre soit débloquer un site particulier à la demande d’un adulte ou d‘un mineur accompagné par un adulte et pour des raisons d‘éducation. Il semble que les USA aient réussi à trouver un compromis entre protection des mineurs et liberté d’expression. Toutefois, le champ d’application de la CIPA reste très restreint, ce qui souligne la question de son efficacité, laissant aux parents le soin d’assurer de la protection de leurs enfants en dehors des locaux ou l’accès à certains sites est bloqué. Au niveau fédéral, la CIPA est la seule loi relative à la régulation du contenu préjudiciable aux mineurs sur l’Internet. Le Congrès laisse donc aux Etats le soin de légiférer sur la question. Toutefois, les Etats doivent adopter la norme fédérale qui doit représenter la norme minimum commune à tous, libre à eux de prendre des mesures plus restrictives au risque de les voir déclarées anticonstitutionnelles par les tribunaux.

On peut constater que, du fait de la multiplication des législations par le Congrès et de la multiplication des censures par la Cour Suprême que ce phénomène a engendré, le gouvernement américain semble fonctionner par « tâtonnement » législatifs. En effet, la loi devient de plus en plus précise au fil du temps et des invalidations par la Cour Suprême et son champs d‘action semble se réduire et de ce fait, ne semble plus menacer la toute puissante liberté d’expression.

            Comme nous avons pu le voir, c’est toujours une conception maximaliste de la liberté d’expression qui prévaut aux Etats-Unis. Cela va aboutir au rejet d’un système de régulation qui serait fondé sur un principe d’interdiction. Malgré la reconnaissance par la Cour Suprême de la nécessité du gouvernement américain de protéger les mineurs contre l"'indécence", en effet, elle reconnaît l’intérêt pour le gouvernement de protéger les mineurs contre l’indécence sur l’Internet, elle déclare que celui-ci ne doit pas pour autant justifier une large restriction à la liberté d’expression qui ne serait pas nécessaire. Enfin, elle conclue en soulignant qu’il est impossible de conduire les adultes à ne regarder que ce qui est bon pour les enfants.

La question qui se pose après avoir analysé la démarche du gouvernement américain, est celle de savoir si les mêmes difficultés au niveau de la régulation du contenu indécent sur l’Internet se retrouvent en France. En effet, il semble intéressant de comparer les Etats-Unis avec un système comme la France ou la liberté d’expression est consacrée de façon moins extensive.

En droit français, à la question de savoir si Internet nécessite la création d’un droit nouveau, le Conseil Constitutionnel a répondu non. Celui-ci rappel qu’il n’y a pas de vide juridique en la matière et qu’il faut appliquer le droit positif à Internet, en l’adaptant toutefois étant donné l’importance du flux de l’information disponible sur le réseau. Nul ne peut ignorer que l’Internet facilite l’accès des mineurs à des communications et des données immorales et illicites, dont la pornographie qui est jugée dangereuse pour eux. Pour cette raison, la France a adopté une politique pénale prohibitive qui semble trouver sa légitimité dans le caractère nocif et parfois attentatoire à la dignité humaine de certaines images pornographiques. Il faut donc dès maintenant noter que, si la pornographie n’est pas interdite pour les adultes, il en est autrement pour les mineurs. Comme nous allons le voir, la législation répressive concernant le contenu préjudiciable sur l’Internet qui a été mise en place en France s’oppose radicalement à la conception très libertaire du droit américain. Cette conception libertaire est totalement différente du droit français au sens où la règle est “ il n’y a pas de liberté sans responsabilité ” et l’Internet ne saurait s‘y soustraire.

Tout d’abord, il existe des dispositions dans le Code Civil qui protègent les enfants et imposent un devoir d’éducation aux parents et ce devoir inclue la responsabilité de contrôler à quels types de contenus leurs enfants peuvent avoir accès. En ce sens, l’article 371-2 du Code Civil dispose que “ L’autorité parentale appartient aux pères et mères pour protéger l’enfant dans sa sécurité, sa santé et sa moralité “ . De plus, cet article dispose que les parents ont envers leurs enfants le droit et le devoir de garde, de surveillance et d’éducation. L’autorité parentale oblige donc les parents à prendre les mesures nécessaires pour assurer la protection de leurs enfants. En France comme aux Etats-Unis, la protection primaire incombe donc aux parents. Toutefois, en ce qui concerne les USA, il n’y a pas de devoir des parents envers les enfants.

Le Code Pénal français contient également des dispositions relative à la protection des mineurs sur Internet. En ce sens, l’article 227-24 dispose que : “ Le fait soit de fabriquer, de transporter, de diffuser par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support un message à caractère violent ou pornographique ou de nature à porter gravement atteinte à la dignité humaine, soit de faire commerce d'un tel message, est puni de trois ans d'emprisonnement et de 75000 euros d'amende lorsque ce message est susceptible d'être vu ou perçu par un mineur”. Le Code Pénal prévoit également des cas de circonstances aggravantes. En effet, l’article 225-12-2 prévoit 5 ans d’emprisonnement et 75000 euros d’amende lorsque la mise en relation d’un pédo-criminel avec sa victime s’est faite via l'outil internet. L’article 227-22 prévoit, quant A lui, 7 ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour corruption d’un mineur qui a été permise via l’outil internet. Enfin, l’article 227-23 prévoit 7 ans d‘emprisonnement et 100 000 euros d’amende pour la diffusion d’images pornographiques mettant en scène un mineur via l’outil internet .

On peut donc constater que la France dispose d’un arsenal législatif plus conséquent que les Etats-Unis. Mais tout comme la Communication Decency Act américaine, la loi française a été critiquée pour son manque de précision. Ceci a pour conséquence que les incriminations ne sont pas aussi nombreuses qu’elles pourraient l’être car les tribunaux Français se montrent réticents à interpréter la loi plus largement. Néanmoins, il ne fait pas de doute que la loi française reste le fruit d’une approche plus restrictive de la liberté d’expression que ne l’est la CDA américaine. La loi française a également suscité des interrogations quant à son efficacité au sens ou la plupart des dispositifs censés prévenir ou dissuader l'accès des mineurs n'obéissent pas aux exigences de l'article 227-24. Dans une décision rendue en 2002, la Cour d’Appel de Paris a ainsi condamné le responsable de trois sites pornographiques à une amende de 30 000 € au motif qu' "il appartient à celui qui décide à des fins commerciales de diffuser des images pornographiques sur le réseau internet dont les particulières facilités d'accès sont connues, de prendre les précautions qui s'imposent pour rendre impossible l'accès des mineurs à ces messages." La Cour a estimé que "les mises en garde et informations sur les logiciels de restriction d'accès présentées dans les pages d'accueil (…) ne sauraient être considérées comme des précautions utiles puisqu'elles interviennent alors que le mineur est déjà entré dans le site et n'empêchent nullement la vision des textes et photos de présentation qu'elles peuvent au contraire avoir pour effet de rendre attractives."

Afin de compléter les dispositions pénales en vigueur, l’Assemblée a voté la Loi du 17 juin 1998, relative à la répression des infractions sexuelles ainsi qu'à la protection des mineurs du fait de l’utilisation d’une communication électronique et à destination d’un public non déterminé. La loi du 5 mars 2007, quant à elle, met en place des “cyber patrouilles” et permet de renforcer les moyens d’investigation et de légaliser la surveillance sur le réseau. Aux Etats-Unis, il appartient aux parents d’acheter un logiciel dit “ CyberPatrol ” pour assurer le contrôle du contenu de l’Internet. Cette idée de créer des patrouilles spécialisées sur Internet ne serait pourtant pas une idée nouvelle aux Etats-Unis car le gouvernement avait tenté de les introduire auparavant à l’occasion du passage d’une loi sur un autre sujet sensible qu’est le terrorisme. Toutefois, la Cour Suprême avait rapidement déclaré la loi anticonstitutionnelle car attentatoire au respect de la vie privée et à la liberté d’expression. Enfin, votée par l’Assemblée le 16 février 2010, la loi LOPSI 2 révise totalement les libertés individuelles et dans le cadre de l’ internet. Ce que cela induit pour l'Internet est cité dans l'article 6 de ce projet de loi :

"impose(r) aux fournisseurs d’accès à Internet l’obligation d’empêcher sans délai l’accès aux contenus illicites dont les adresses électroniques sont désignées par arrêté du ministre de l’intérieur sous peine d’un an d’emprisonnement et de 75.000 euros d’amende." Cette loi impose le blocage des sites pornographiques et introduit l'obligation pour les fournisseurs d'accès à Internet de bloquer les sites contenant images ou vidéos pédopornographiques, après décision d'un juge. La France semble donc se diriger vers une législation de plus en plus précise. Une fois encore, on peut constater la différence d’approche entre la France et les Etats-Unis où la section 230 de la Communication Decency Act dispose que les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) ne sont pas responsables du contenu publié par les internautes sur leurs sites. Cette différence de législation a d’ailleurs soulevé le problème de l’effectivité du jugement dans l’affaire LICRA v. Yahoo! . Dans cette affaire, la mise en vente d’objets nazis sur le site américain Yahoo! a suscité de vives réactions de la part de la Ligue Internationale Contre le Racisme et l'Antisémitisme et de l’Association des Etudiants Juifs de France qui ont porté l’affaire devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en 2000. Au final, les cours françaises ont retenu une injonction contre le site Yahoo! américain, lui demandant de prendre toutes les mesures nécessaires pour bloquer l’accès de cette vente aux internautes Français. En effet, cette vente est contraire aux dispositions prévues A l’article R 645-1 du Code Pénal Français relatives à l’exhibition en public d’objets rappelant ceux d’organisations ou de personnes responsables de crimes contre l’humanité. Yahoo! a déclaré qu’il ne lui serait pas possible de se conformer A cette injonction. L’exequatur des jugements ne pourra donc être possible qu’au travers une coopération internationale qui prendra en compte les ordres publics de chaque Etat pour établir des normes minimums qui harmoniseraient les législations sur la régulation du contenu de l’Internet. Quelles que soient les solutions qui seront trouvées, il est important de trouver un équilibre entre la protection effective, même au prix d'une réglementation contraignante, contre les abus et le maintien des libertés fondamentales.

Bibliographie:

Fraleigh, Douglas (2003). "Reno v. ACLU". in Parker, Richard A. (ed.). Free Speech on Trial: Communication Perspectives on Landmark Supreme Court Décisions. Tuscaloosa, AL: University of Alabama Press. pp. 298–31. Leets, Laura (2001).

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http://www.asmp.fr/travaux/gpw/pbpresse/pig2chap4.pdf

MALLET-POUJOL Nathalie, Les enjeux juridiques de l’Internet, Problèmes politiques et sociaux n° 893, Octobre 2003