Le droit au logement des « Gens du Voyage » par Sophie d’Ivangin

La grande majorité des « Gens du Voyage » en Europe est d’une manière ou d’une autre confrontée à un problème majeur de logement. La France avec sa politique très sévère envers les gens du voyage tente de privilégier la sécurité. Le législateur britannique, conscient des difficultés que rencontrent les gens du voyage, se montre plus accueillant même si dans la pratique la jurisprudence montre que la priorité est loin d’être systématiquement donnée au respect des droits des gens du voyage, comme le montre l’arrêt Baker c. Secretary of State for Communities and Local Government (R. (on the application of Baker) c. Secretary of State for Communities and Local Government, Court of Appel (Civil Division), 28 February 2008, 2008 EWCA Civ 141)

Les « Gens du Voyage » constituent la minorité ethnique la plus large d’Europe et certainement la plus sujette aux discriminations, celles-ci venant aussi bien de la population en général que de l’action des pouvoirs publics, notamment au niveau local, qui a favorisé la haine « anti-Rom », aussi appelée « antitsiganisme » (Voir par exemple le maire d’Ensisheim qui a voulu faire détruire un camp de roumains par le feu, relaté sur le site : http://www.maire-info.com/article.asp?param=6533&PARAM2=PLUS).

C’est le droit au logement des « Gens du voyage » qui est le plus bafoué dans de nombreux pays d’Europe. Des plaintes croissantes portées devant le Commissaire aux Droits de l’Homme du Conseil de l’Europe proviennent de pays comme la France, le Royaume-Uni, l’Italie, la Bulgarie, la Turquie, la Roumanie parmi tant d’autres. La majorité de ces réclamations font état d’expulsions de communautés et de familles entières de gens du voyage contraires aux droits de l’homme, en particulier pour ce qui est du droit à un logement décent et à la vie privée, des garanties procédurales et des recours disponibles. Les Etats tels que la France et le Royaume-Uni essayent-ils vraiment de protéger les droits des gens du voyage ainsi que d’empêcher les discriminations ? Cherchent-ils à faciliter ou à entraver le nomadisme ? Peut-on dire de la législation française envers les gens du voyage qu’elle est discriminatoire ? La protection du droit au logement des gens du voyage entre ‘en concurrence’, notamment, avec la volonté de ces Etats de protéger l’environnement ou encore la communauté sédentaire, au nom de la protection de la sécurité des personnes. L’arrêt Baker c. Secretary of State for Communities and Local Government de la Chambre civile de la Cour d’Appel (R. (on the application of Baker) c. Secretary of State for Communities and Local Government, Court of Appel (Civil Division), 28 February 2008, 2008 EWCA Civ 141; 2008 N.P.C. 26) est un exemple du raisonnement mis en oeuvre par des juges anglais qui traitent la question en tentant de trouver un équilibre entre les droits des gens du voyage et la protection de l’environnement. La situation de cette minorité est la même au Royaume-Uni et en France. Ce qui pose le plus de problème est le stationnement illégal des gens du voyage. Or le manque d’emplacements réservés les oblige à stationner sur des emplacements non autorisés, créant des conflits parfois importants avec les riverains. Cependant, ces deux Etats traitent la question de manière très différente. La France se montre de plus en plus sévère, tentant de dissuader les gens du voyage de s’installer dans des emplacements non autorisés par des lois les sanctionnant pas très clair (Loi n°2000-614 du 5 Juillet 2000 (dite Loi Besson II) relative a l’accueil et a l’habitat des Gens du Voyage) ou encore des lois autorisant leur évacuation forcée (Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure), sans pour autant régler le problème du manque d’emplacements autorisés. La France privilégie donc la sécurité en tentant de prévenir la délinquance associée, dans l’opinion publique, à la présence des gens du voyage. De nombreuses associations se sont insurgées contre ces lois (FNASAT- Gens du voyage, Ligue des Droits de l’Homme, Fondation Abbé Pierre) et la politique menée de façon générale par l’Etat français. Au Royaume-Uni, les Gens du voyage sont tout aussi présents avec 200 000 à 300 000 personnes approximativement (La France en compterait environ 350 000). Ils proviennent de différentes origines : Roms, ‘Voyageurs Irlandais’… et sont soumis aux mêmes sortes de discriminations. Cependant, il s’avère que le Royaume-Uni est un des pays les plus accueillants des ‘Gens du Voyage’. Depuis longtemps, il tente d’établir un juste équilibre, surtout au travers de sa jurisprudence, entre sa volonté de protéger cette minorité des discriminations et leur droit au logement tout en respectant l’environnement et la propriété privée. Avant la mise en vigueur du Criminal Justice and Public Order Act de 1994 (CJPOA), les autorités locales avaient l’obligation légale de mettre a la disposition des ‘Gens du Voyage’ des sites de stationnement pour leurs caravanes en vertu du Caravan Sites Act de 1968. Cependant, le CJPOA a retiré cette obligation et a conféré aux autorités locales et à la police des pouvoirs draconiens pour évincer les gens du voyage des sites non autorisés. En France, la 1ère loi Besson, imposant aux communes de créer des aires d’accueil pour les voyageurs, remonte à 1990. Elle a été remplacée par la seconde loi Besson du 5 juillet 2000, qui impose la même obligation avec des mesures précises et un délai de deux ans pour la réalisation effective. Cependant, en 2007, seulement 20% des places prévues par les différents schémas départementaux ont été réalisées. La loi, votée le 22 février 2007, à l’initiative du Ministre de l’Intérieur, qui permet au préfet d’ordonner l’expulsion des Voyageurs stationnant irrégulièrement s’appelle la « loi sur la prévention de la délinquance » (Loi 2007-297 du 5 mars 2007, relative a la prévention de la délinquance). Ainsi, l’expulsion des Voyageurs relève des mesures de « prévention de la délinquance », comme si la présence des gens du voyage était considérée par la loi comme une source de développement de la délinquance et leur expulsion un moyen de prévenir la délinquance. Les tensions qui peuvent naître de la présence des gens du voyage se soldent souvent par l’intervention des élus et des agents de la force publique, afin de les contraindre à évacuer la zone non autorisée. La politique actuelle du Royaume-Uni concernant les sites de caravanes pour Voyageurs se trouve dans la Circulaire 01/2006 (remplaçant la Circulaire 1/94), qui favorise la mise à disposition privée de sites plutôt qu’une mise à disposition publique. Les Voyageurs sont ainsi ‘encouragés’ à acheter eux-mêmes leur terrain et postuler pour la reconnaissance (légalisation) de leur propre site au travers du « planning system » (Système d’autorisation préalable d’aménagement). Il s’agit d’un système propre au Royaume-Uni qui va donner lieu à de nombreux recours en justice, dont l’arrêt Baker en est le plus récent exemple. L’échec de la première circulaire a rendu nécessaire l’adoption d’une nouvelle circulaire. La raison avancée par le Gouvernement est que les recommandations de la première circulaire n’ont pas permis, comme c’était prévu, de fournir des emplacements appropriés pour les gens du voyage dans de nombreuses zones en Angleterre et ce, alors qu’il s’est écoulé plus de 10 ans. Le nombre de demandes d’emplacements réservés n’a cessé d’augmenter depuis la création de la première circulaire alors que le nombre de ces emplacements n’a pas augmenté. Ainsi des changements majeurs ont été opérés concernant le système d’aménagement par le Planning and Compulsory Purchase Act de 2004. Le nouveau système met l’accent sur une consultation plus rapide entre les autorités locales et les communautés qu’elles servent. Cette consultation rapide entre les différents acteurs ou les différentes parties prenantes devrait permettre d’identifier plus tôt la situation des voyageurs en question et de trouver des emplacements appropriés, réduisant ainsi le stationnement dans des emplacements non autorisés. Demander aux Voyageurs d’utiliser ce système d’aménagement semble a priori être une approche équitable. Cependant, pour que cette politique soit efficace encore faut-il qu’il y ait une possibilité réelle d’obtenir une autorisation d’aménagement pour les sites privés. La Chambre des Lords a jeté le doute sur l’efficacité de cette politique dans les affaires South Bucks c. Porter (South Bucks District Council and another (Respondents) v. Porter (FC) Appellant) 2004 UKHL 33), Wrexham CBC c. Berry (Wrexham CBC v National Assembly for Wales and Berry Court of Appeal (Civil Division) 19 June 2003 2003 EWCA Civ 835) et Chichester DC c. Keet and Searle (Chichester DC v Keet & Keet and Searle, House of Lords (2003) UKHL 26). Les juges ont observé que les tentatives des Voyageurs d’obtenir l’autorisation d’aménagement ont presque toujours échoué : les statistiques données à la cour ont montré que 90 pourcent des demandes formées avaient été refusées et que la capacité des sites qui avaient été autorisés était extrêmement faible par rapport aux besoins réels. Ce constat fait, la situation semble ne pas s’être améliorée depuis la création de la Circulaire 01/2006 et les cours statuent le plus souvent en défaveur des gens du voyage. Dans l’arrêt Baker c. Secretary of State for Communities and Local Government du 28 février 2008 rendu par la Chambre civile de la Cour d’Appel, les requérants se trouvaient être des ‘Voyageurs irlandais’. Ils faisaient appel d’une décision maintenant le refus d’un inspecteur de l’aménagement d’autoriser le stationnement de caravanes sur un site se trouvant dans le Green Belt (il s’agit de zones protégées appelées ceintures vertes. Elles ont été créées, notamment, ) des fins de protection de l’environnement). Les requérants vivaient déjà sur le site et avec neuf enfants. Les enfants les plus âgés allaient à l’école locale. Le devoir de l’inspecteur était de prendre en considération les circonstances et le statut de « Voyageurs » des requérants. Il devait ainsi estimer leur besoin de se trouver sur le site en question, la nécessité de sites supplémentaires pour Voyageurs et les sites alternatifs disponibles. L’inspecteur a conclu que les considérations en faveur des requérants étaient moins importantes que le dommage causé au Green Belt car il n’y avait pas de besoin impérieux, pour ces personnes, de se maintenir sur le site. Les requérants ont soutenu que l’inspecteur avait agi en violation de l’article 71(1)(b) du Race Relations Act de 1976 en ne prenant pas en compte la nécessité de promouvoir une opportunité égale entre personnes de différents groupes raciaux. Ils lui ont reproché également de ne pas avoir pris en compte les conséquences néfastes de ce refus sur l’éducation des ainés. Les juges de la Cour d’Appel ont rejeté la plainte des Voyageurs. Le Lord-justice Dyson se range du côté de l’inspecteur, le félicitant même pour la façon dont il a traité ces questions délicates. Pour rejeter la plainte des requérants, il soutient que l’inspecteur, en vertu de l’article 71(1) de la loi de 1976, n’avait pas d’obligation de résultat d’élimination de toute discrimination raciale ou de promotion de l’égalité d’opportunité et des bonnes relations entre personnes de différents groupes raciaux. Son devoir était d’avoir égard de la nécessité d’atteindre ces objectifs. Ainsi en l’espèce, les juges ont considéré qu’il avait parfaitement accompli son devoir. L’inspecteur a en effet considéré comme élément en faveur des Voyageurs leur statut, source d’inégalité d’opportunité et les inconvénients auxquels ils devaient faire face en comparaison avec l’ensemble de la communauté sédentaire. De plus, appliquant la Circulaire 01/2006, il a considéré la question de la nécessité de sites supplémentaires ainsi que la raison pour laquelle les cinq sites autorisés dans la zone de l’autorité locale n’étaient pas disponibles pour les requérants. Quant au droit a l’éducation des ainés, les juges ont considéré que l’inspecteur avait bien agi en considérant que bien qu’en ayant conscience que sa décision allait interférer avec ce droit, il avait le devoir de trouver un équilibre entre ce droit et la nécessité de protéger l’environnement. En décidant de donner la priorité à la protection de l’environnement, il n’a fait qu’utiliser son pouvoir discrétionnaire en tant qu’inspecteur de l’aménagement. Les juges ont donc tenu à appuyer en tous points la décision de refus de l’inspecteur d’autoriser l’aménagement des requérants dans cette zone. On constate ainsi que dans la pratique, il existe de nombreux cas dans lesquels l’équilibre entre le droit au logement des gens du voyage et la protection de l’environnement n’est pas respecté, au profit des autorités locales qui ne veulent tout simplement pas de ces ‘tsiganes’ sur leurs territoires. L’installation des gens du voyage dans les zones spéciales appelées ‘Green Belts’ pose souvent problème. Ces zones ont été créées pour protéger l’environnement et sont réservées aux communes (The Town and Country Planning Act 1947). Le Royaume-Uni n’est pas le seul à avoir instauré ces ceintures vertes, qui sont en fait assez controversées. En effet, de nombreuses organisations locales d’aménagement ont critiqué l’idée et l’instauration de ceintures vertes au Royaume-Uni parce que cette politique est trop rigide eu égard aux nouveaux défis urbains et environnementaux et peut entraver la promotion de modèles de développement viables. De plus, il est parfois soutenu que ces zones peuvent être d’une qualité environnementale ordinaire et ne sont pas forcément très bien gérées ou ne fournissent pas les opportunités récréatives envisagées à l’origine. Le 18 janvier 2001, la Grande Chambre de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a pu donné son avis au sujet de cinq affaires similaires concernant chacune une famille tsigane différente (CEDH, 18 janvier 2001, Chapman c/ R.Uni, RFDadm.2002, p.1106, ainsi que Coster c/R.Uni ; Beard c/R.Uni ; Lee c/R.Uni ; Jane Smith c/R.Uni, Journal de Droit International n 1, 1er Janvier 2002, note D. Leclerq-Delapierre). Elles avaient acheté un terrain pour y installer leurs caravanes mais virent leur demande de permis d’aménagement refusée pour des motifs de prescriptions d’origine variées (zone appartenant à la ceinture verte, dégradation d’une zone rurale attrayante) ou des raisons d’esthétique et de sécurité routière etc. Les requérants invoquaient devant la Cour principalement l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale) et l’article 14 (interdiction de discrimination) de la Convention européenne des droits de l’homme. Dans les cinq affaires, la Cour considère que la vie en caravane fait partie intégrante de l’identité tsigane des requérants et que les mesures prises par l’Etat constituent une ingérence dans le droit de ceux-ci au respect de leur vie privée et familiale. Toutefois, la Cour a conclu que les mesures étaient « prévues par la loi » et visaient le but légitime que constitue la protection des « droits d’autrui » par le biais de la défense de l’environnement. La Cour relève aussi que les Tsiganes sont libres de s’installer sur tout site caravanier doté d’un permis d’aménagement. En dépit du nombre insuffisant de sites jugés acceptables par les Tsiganes, la Cour ne souscrit pas à l’argument selon lequel, du fait que le nombre de Tsiganes est statistiquement supérieur à celui des places disponibles sur les sites tsiganes autorisés, les décisions de ne pas autoriser les requérants à occuper le terrain de leur choix pour y installer leurs caravanes emportent violation de l’article 8. La Cour ne pense pas que l’on puisse considérer que l’article 8 implique pour le Royaume-Uni, comme pour tous les Etats parties à la Convention, l’obligation de mettre à la disposition de la communauté tsigane un nombre adéquat de sites convenablement équipés. L’article 8 ne reconnaît pas le droit de se voir fournir un domicile, pas plus que la jurisprudence de la Cour. « La question de savoir si l’Etat accorde des fonds pour que tout le monde ait un toit relève du domaine politique et non judiciaire » (CEDH, 18 janv. 2001, Chapman c/R.Uni, p.30, §99, JCP 2001, I, 342, obs. Sudre, RTD civ., obs. Marguenaud) En France, la loi Besson de juillet 2000 rappelle l’obligation de toutes les communes d’organiser l’accueil et le logement des gens du voyage et impose à celles de plus de 5000 habitants de réaliser des aires de stationnement, telles que prévues dans des schémas départementaux qui en auront évalué les besoins pour gérer les arrêts de courts et moyens séjours, entre deux déplacements. Parallèlement, la loi dispose que les plans locaux d’urbanisme doivent permettre l’installation durable des personnes vivant en caravane sur des terrains en propriété ou en location. Cette disposition est, pour les gens du voyage, une réponse attendue et adaptée à leur situation. Cependant, les communes ont rarement mis en œuvre cette disposition, renvoyant ainsi toutes les demandes vers les aires de stationnement à créer. Sept ans après, seulement 8000 places sont ouvertes, soit autant qu’en 1990, malgré un besoin total estimé a plus de 40 000. On peut ainsi difficilement s’étonner de l’installation irrégulière de ces familles. Au lieu d’obliger les Etats à respecter la loi Besson, l’Etat et le législateur multiplient les sanctions contre les stationnements irréguliers. Après la loi de 2003, un amendement (Amendement 12 ter ou amendement « Hérisson ») a été adopté dans la loi dite de « prévention de la délinquance » supprimant l’intervention du juge pour décider des expulsions. Avant cet amendement, le maire pouvait saisir le juge des référés, pour faire ordonner l’évacuation du terrain, même si la commune n’était pas propriétaire du terrain. A l’occasion de la loi sur la « prévention de la délinquance », certains sénateurs ont fait voter un amendement donnant aux préfets la compétence en matière d’expulsion. Cette disposition a été vivement critiquée autant par les députés que les sénateurs qui l’ont jugée anticonstitutionnelle (voir Décision du Conseil Constitutionnel n° 2007-553 DC du 3 mars 2007, où la Cour n’a déclaré contraire aux règles constitutionnelles relatives à la procédure législative que le III de l’article 34 de la loi. L’amendement 12 ter n’a ainsi pas été jugé anticonstitutionnel) . En effet, le juge judiciaire a normalement une compétence de principe. L’autorité judiciaire est, en vertu de l’article 66 de la Constitution garante du respect des libertés individuelles au titre desquelles figure le principe d’inviolabilité du domicile (voir décisions Conseil Constitutionnel 12 janvier 1977 fouille des véhicules (75DC) et 29 déc. 1984 perquisitions fiscales (164DC et 184DC). En outre il est de jurisprudence constante que la caravane des gens du voyage constitue leur domicile dont l’inviolabilité est consacrée par l’article 184 du code pénal (notamment CE, 2 déc. 1983 Ville de Lille c/ ACKERMANN). Si on compare avec les mesures concernant l’expulsion des locataires, c’est le juge judiciaire qui est compétent même si le préfet est informé par lettre par l’huissier de justice. C’est seulement si la personne refuse l’expulsion, ou si elle est absente, que l’huissier peut demander au préfet le concours de la force publique. Quoiqu’il en soit dans le cas de l’expulsion des locataires, l’ordonnance d’expulsion est délivrée par le juge. La caravane n’est toujours pas reconnue comme habitat, même si, à compter de cette année, elle est assujettie à une taxe d’habitation (Article 92 inséré dans le Code général des Impôts à l’article 1595 quater, Amendement du 22 Novembre à la Loi de Finances 2006, qui prévoit une « taxe annuelle de résidence représentative de la taxe d’habitation » destinée aux personnes dont l’habitat principal est constitué d’une « résidence mobile terrestre »). Les protestations des gens du voyage restent sans effet, d’autant que leurs droits civiques sont limités avec un délai pour s’inscrire sur les listes électorales de trois ans (Loi n° 63-3 du 3 janvier 1969), alors que pour les SDF, depuis la loi contre les exclusions de 1998, il a été ramené à 6 mois, comme pour tous les autres citoyens. Au Royaume-Uni, l’attitude des autorités vis-à-vis des gens du voyage qui stationnent sur des emplacements non autorisés est différente. L’objectif poursuivi par la Circulaire de 94, qui est en fait le même que celui de la loi Besson en France, n’ayant pas été atteint, les gens du voyage ont beaucoup de difficultés à obtenir une autorisation d’aménagement pour créer une aire de séjour privée, alors même que les listes d’attente pour obtenir une place dans un site public sont de plus en plus longues. Ainsi le quart des caravanes ne peuvent pas stationner sur un emplacement légal. Le constat du manque d’emplacements aménagés a poussé les autorités à pratiquer une politique de tolérance vis-à-vis du stationnement sur des emplacements non autorisés. Cette politique de tolérance est expliquée dans un guide de bonne pratique publié conjointement par les ministères de l’environnement et de l’intérieur et intitulé « Gérer le stationnement sur des emplacements non autorisés » (Managing Unauthorised Camping : A Good Practice Guide, February 2004). Publié pour la première fois en 1998, ce document a été révisé en 2004. Il préconise une concertation entre les autorités locales, les forces de police et les autres parties prenantes en vue d’établir une démarche commune, qui doit être définie en tenant compte des intérêts respectifs de la population sédentaire et des gens du voyage, des autres politiques a l’égard des gens du voyage, des dispositions légales relatives à la défense des droits de l’homme et aux discriminations, et des sanctions à mettre en œuvre. Il est prévu que les rôles et responsabilités de chacun soient précisés dans un protocole. Ainsi le Royaume-Uni tente de préserver l’illusion de la tolérance à l’heure ou les préparatifs pour les Jeux Olympiques de 2012 ont déjà commencé. En effet, des expulsions des tsiganes vivant à l’est de Londres ont déjà eu lieu (The Guardian, Tuesday June 12 2007, p 31, Comment & debate section, updated on January 12 2008). Les familles ont tenté de protester mais le juge traitant de l’affaire leur a répondu que, compte tenu des avantages apportés par les Jeux Olympiques, cette décision d’achat obligatoire de ces terrains était justifiée et était une interférence « proportionnée » avec les droits de l’homme des gens du voyage ( Sole v Secretary of State for Trade and Industry, QBD Adm.court, 2007 EWHC 1527 (Admin); (2007) 104(24) L.S.G. 28; (2007) 151 S.J.L.B. 746 ). La même chose s’est produite à chaque jeux olympiques depuis des dizaines d’années et s’est également produit récemment a la Coupe du Monde de Rugby en France ou 400 personnes ont été expulsées alors que certaines étaient installées depuis dix ans. Ces discriminations légales et ces stigmatisations font apparaître un racisme spécifique, de plus en plus dénoncé par les instances européennes (OSCE, Conseil de l’Europe, Parlement Européen). La protection des droits des gens du voyage est un enjeu important pour tous les défenseurs des droits de l’Homme.

Bibliographie Ouvrages: - Clark C., Here to stay : the gypsies and travellers of Great-Britain, Hatfield: University of Hertfordshire Press, 2006 - Wagstaff, M., A single housing benefit control for gypsy and traveller sites, Leeds : Corporate Document Services, 2006 - Young, M., Unwanted journey : why Central European Roma are fleeing to the UK, London : Refugee Council, 1999 - Johnson C. and Willers M., Gypsy and Traveller Law, London : LAG, 2007

Articles : - Accueil et Habitat des gens du voyage : le stationnement irrégulier, Jean-Michel Sommier, Actualite Juridique du Droit immobilier, février 2001, p. 133 a 136. - Gypsies, travellers and discrimination law, Briefing 230, Discrimination Law Association, Vol 15, February 2002 (disponible sur http://www.law.cf.ac.uk/tlru/DLAbriefing.pdf) - « Governments Should take positive steps to protect the housing rights of Roma in Europe », Joint Statement by Council of Europe Commissioner for Human Rights Thomas Hammarberg and UN Special Rapporteur on the Right to Adequate Housing Miloon Kothari, Strasbourg, 24 Octobre 2007 (Disponible sur le site du Conseil de l’Europe: www.coe.int)

Textes officiels : - Loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 - Race Relations Act 1976 - Criminal Justice and Public Order Act 1994 - Loi n° 2000-614 du 5 Juillet 2000 (dite Loi Besson II) relative a l’accueil et a l’habitat des Gens du Voyage - Loi n°2003-239 du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure - Managing Unauthorised Camping : A Good Practice Guide, February 2004 - Circular 01/2006 Planning for Gypsy and Travellers Caravan Sites, 2 fevrier 2006 - Loi n°2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance

Jurisprudence : - R. (on the application of Baker) c. Secretary of State for Communities and Local Government, Court of Appel (Civil Division), 28 February 2008, 2008 EWCA Civ 141; 2008 N.P.C. 26 - South Bucks District Council and another (Respondents) v. Porter (FC) Appellant) 2004 UKHL 33 - Wrexham CBC v National Assembly for Wales and Berry Court of Appeal (Civil Division) 19 June 2003 2003 EWCA Civ 835 - Chichester DC v Keet & Keet and Searle, House of Lords (2003) UKHL 26 - CEDH, 18 janvier 2001, Chapman c/ R.Uni, RFDadm., 2002, p.1106