Les institutions non-juridictionnelles de lutte contre les discriminations en Espagne

Les institutions de lutte contre les discriminations en Espagne ne sont pas généralistes  : elles se spécialisent dans un type précis de discrimination ou dans une seule catégorie de victimes. Beaucoup d’institutions ont ainsi été créées dans le but de protéger un collectif de victimes de discriminations dans de nombreux secteurs : les femmes.

On peut ainsi recenser des institutions au niveau national (I) et au niveau local (II)

 

I.              Les institutions et initiatives nationales

 

De nombreuses institutions non-juridictionnelles de lutte contre les discriminations ont pour objectif la protection des femmes.

Dans les années 1980, l’Institut de la Femme et de l’Egalité des Chances (« el Instituto de la Mujer e Igualdad de Oportunidades ») a été créé afin d’éliminer les différences liées au sexe et favoriser la non-discrimination des femmes dans la société.

Cette institution a  élaboré divers Plans d’Egalité des Chances des Femmes (« Planes de Igualdad de Oportunidades de las Mujeres (PIOM)»).

Quatre plans ont été, à ce jour, mis en place. Le premier plan, présenté en Conseil des Ministres en septembre 1987, a été  réalisé de 1988 à 1990. Il avait pour but d’améliorer la situation sociale des femmes  par 120 mesures regroupées dans 6 domaines : l’ordre juridique; la famille et la protection sociale ; l’éducation et la culture ; l’emploi ; la santé ; la Coopération internationale et le milieu associatif. Le deuxième plan (1993 à 1995) avait comme objectif d’adopter des mesures afin de faire avancer d’une égalité formelle vers une égalité réelle. Le troisième plan (1997 à 2000) a permis l’introduction du principe d’égalité dans toutes les politiques du Gouvernement et la promotion de la participation des femmes dans toutes les sphères de la vie sociale. Et enfin, le quatrième plan (2003 à 2006) a cherché, sur la base des directives établies par la Communauté européenne, à favoriser le mélange des genres dans les milieux de la culture, du travail et de la politique, par des politiques spécifiques et des actions positives.

 

Par la suite, en 2004, le Secrétariat Général des Politiques d’Egalité (organisme administratif, créé en mars 2004, qui dépend du Ministère du Travail espagnol), en collaboration avec l’Institut de la Femme a permis que deux lois organiques soient promulguées. La première loi concerne la Protection contre les violences faites aux Femmes, qui a créé des tribunaux spécialisés dans les affaires de violence conjugale (« Juzgado para la Violencia de Genero »). Il s’agit d’un organe juridictionnel, compétent uniquement pour des cas de violences domestiques (des hommes envers des femmes). La seconde loi, de 2007, traite de l’égalité entre Hommes et Femmes.

 

Par ailleurs, en 2007, le Décret royal 1262/2007 a créé le Conseil pour la promotion de l’égalité de traitement et la non-discrimination des personnes en raison d’origne raciale ou ethnique.
Dans un premier temps, cet organisme a été rattaché au Secrétariat d’Etat à l’Egalité qui dépend du Ministère de la Santé, des Politiques Sociales et de l’Egalité.
Sa mission est de promouvoir le principe d’égalité de traitement et de non-discrimination des personnesen rasion de leur origine raciale ou éthnique.

Ces compétences se regroupent en plusieurs catégories  : l’aide aux victimes de discrmination,l’élaboration d’études et de mesures qui contribuent à l’égalité et à l’élimination des discriminations.

 

 

Au même moment, a été institué le Réseau des centres d’assistance aux victimes de discrimination, qui dépend du Conseil qui vient d’être présenté.
Ce réseau a été mis en place afin de pouvoir remplir une  fonction  d’assistance indépendante aux victimes au moment où celles-ci présentent des réclamations.
Des partenariats ont été mis en place avec des organisations sociales car le Conseil a considéré que cela pouvait être une voie adéquate pour se rapprocher des personnes susceptibles d’être discriminées à échelle municipale.
En juin 2010, le réseau se composait de 8 entités telles que l’Association de la Commission Catholique Espagnole de Migration (« Asociación Comisión Cátolica Española de Migración », ACCEM), la Croix Rouge Espagnole, la Fondation CEPAIM, la Fondation du Secrétariat Gitan, le Mouvement contre l’Intolérance, le Mouvement pour la Paix, le Désarmement et la Liberté ainsi que le Réseau Acoge.

 

Par ailleurs, en 2008, a été créé le Ministère de l’Egalité auquel se rattache l’Institut de la Femme, à travers le Secrétariat Général des Politiques d’Egalité.
Toutefois en raison des politiques d’austérité, ce Ministère est devenu un Secrétariat d’Etat à l’Egalité, qui dépend du Ministère de la Santé et des Affaires sociales.

 

Enfin, il existe un Observatoire Espagnol contre le Racisme et la Xénophobie.
Il a été institué par l’article 71 de la Loi Organique 14/2003.
Il est rattaché au Secrétariat d’Etat à l’Immigration et à l’Emigration, et dépend de la Direction Générale de l’Intégration des Immigrés. Il a pour foncion d’analyser des informations sur le racisme et la xénophobie en Espagne, afin de connaitre ses perspectives d’évolution et pouvoir collaborer avec divers agents publics et privés, nationaux et internationaux, pour prévenir et lutter contre le racisme et la xénophobie.

 

 

II.            Les institutions locales

 

Au niveau des municipalités, on recontre également différentes entités de lutte contre les discriminations.
 

Il existe tout d’abord des  « Oficinas por la No Discriminación » (OND) qui ont pour fonctions d’informer, de former et de sensibliser à tout ce qui est lié au thème de l’égalité des droits.
De plus, elles détiennent le rôle de médiateur dans les affaires de discriminations et offrent des consultations juridiques pour les démarches dans le cadre de plaintes déposées pour discriminations.

L’accompagnement continu des victimes placent les OND dans une position favorable pour établir des mécanismes de coordination avec toutes les organisations et institutions qui interviennent dans la défense des droits des personnes comme par exemple, le Défenseur du peuple, les conseillers municipaux, les conseillers de l’Administration des différentes Communautés Autonomes, le Ministère Public, etc…

 

Enfin,  sont mis en place des audits d’égalité  ou audits participatifs de genre (« auditorias de igualdad » o « auditorias de genero »), dans les municipalités.  Ils peuvent être implantés dans les entités publiques (Mairies, Conseils Généraux) ou privées (entreprises, associations…). Ces audits ont pour fonction de vérifier qu’aucun aspect de la politique d’une de ces entités promeut, favorise ou reproduit des situations discriminatoires.
Il s’agit de mettre en place une politique anti-discriminatoire en se fondant sur des rapports rendus concernant l’entité. Ces audits sont des processus périodiques qui peuvent avoir un caractère externe. Ils sont alors réalisés par des personnes sans relation de travail avec l’entité. Il existe, par exemple, l’Association Professionnel des Auditeurs de Genre (« Asociación Profesional de Auditores de Género, APAG) à Cadix (Andalousie).

Mais, les audits peuvent aussi être internes. Ils sont, dans ce cas, réalisés par le propre personnel de l’entité, tel que le personnel des Ressources Humaines ou le service juridique.

Les audits se déroulent en deux phases, l’audit légal et l’audit de qualité. Le premier consiste à vérifier que les minimums requis par la loi, dans la lutte contre les inégalités hommes-femmes, sont remplis.
Et, le second, qui ne pourra se faire que si le premier est validé, consiste à vérifier si les mesures supplémentaires mises en place par l’entité sont anti-discriminatoires. Il faut entendre par mesure supplémentaire, une mesure imposée par les Plans d’Egalité mais que l’entité a approfondi. Cela vise aussi une mesure non discriminatoire, mise en place de manière spontanée (sans être précédemment établie dans les Plans).


Ce type de structure avait déjà été institué par l’Organisation Internationale du Travail, entre octobre 2001 et avril 2002. La difficulté réside dans le fait qu’aujourd’hui, il n’existe pas de normes qui établissent les critères minimums qui permettent de considérer qu’une politique est discriminatoire ou ne l’est pas.

 

 

BIBLIOGRAPHIE :

-       Institut de la Femme et de l’Egalité des Chances (“Instituto de la Mujer y para la Igualdad de Oportunidades ») : http://www.inmujer.gob.es/elInstituto/historia/home.htm

-       “Instrumentos para la Igualdad de Género”, Organisation Internationale du Travail: http://www.ilo.org/public/spanish/bureau/gender/newsite2002/about/audit.htm

-       “Propuesta metodológica para el trabajo contra la discriminación en el ámbito local”, Federación Española de Municipios y Provincias (área de Igualdad) y Ministerio de Sanidad, Servicios Sociales e Igualdad, 2012

“Investigación y género. Logros y retos”, Universidad de Sevilla, Unidad de la Igualdad, IIIe Congrès Universitaire National,16 et 17 juin 2011, pps 909 à 928 http://igualdad.us.es/pdf/Investigacion_Genero_11.pdf