www.kino.to ou l'analyse juridique du streaming illégal

Le streaming est désormais de plus en plus utilisé pour la consommation illégale d’œuvres de l’esprit (essentiellement des œuvres audiovisuelles) sur Internet. Les utilisateurs peuvent être de bonne foi, car la croyance selon laquelle le streaming est légal est très répandue. Récemment, un article allemand de doctrine s’est proposé d’étudier juridiquement le streaming. En analysant les solutions retenues par cet article, il sera intéressant de voir ce qu’il en est en droit français.

 

On dit souvent que les malfaiteurs ont un temps d’avance sur la justice. Le droit de la propriété intellectuelle ne peut malheureusement pas démentir cette idée populaire. En matière de lutte contre la contrefaçon sur Internet, le législateur français a ainsi voulu lutter contre les échanges en pair-à-pair : c’est le système Hadopi qui permet de poursuivre grâce à l’identification des adresses IP les titulaires de connexions Internet utilisées à des fins d’échanges illégaux d’œuvres protégées. Cependant, l’encre de la loi était à peine sèche que le droit d’auteur s’est trouvé confronté à une autre pratique sur Internet qui se développe de plus en plus : le streaming.

Cette technique permet le visionnage d’une œuvre audiovisuelle sans téléchargement complet. Il y a en fait un transfert continu des données entre le serveur émetteur et l’appareil destinataire final. Les données sont ensuite décodées par l’appareil destinataire et présentées par le biais du navigateur de l’utilisateur, qui fait intervenir immédiatement un « plug-in player » (comme Mediaplayer, Megavidéo…). On trouve malgré tout inévitablement un enregistrement des données car pour le traitement de celles-ci par le processeur et la carte graphique elles doivent être chargées au moins temporairement dans la mémoire vive (RAM/Caches). De plus, pour éviter les tremblements de l’image lors de la transmission des données, et pour permettre le visionnage du film sans coupure, certaines informations sont enregistrées dans le « cache » du serveur. Mais la plupart du temps ces données sont effacées à la fin du visionnage du film (traduction de l’explication donnée par FANGEROW/SCHULZ dans leur article Die Nutzung  von Angeboten  auf  www.kino.to  - Eine urheberrechtliche Analyse des Film-Streamings im Internet, GRUR 2010, p. 677/p. 678).

Le streaming, qui permet un accès immédiat aux œuvres, est aujourd’hui de plus en plus utilisé. D’autant qu’avec l’augmentation du débit, la qualité des vidéos se rapproche voire dépasse celle d’un DVD. Et comme pour le téléchargement il y a deux types de streaming. Le streaming légal qui a lieu dans un rapport contractuel avec l’auteur permettant la transmission de l’œuvre. Et le streaming illégal qui a lieu sans aucune autorisation.

Si, dans ce second cas, la responsabilité du propriétaire du site proposant les vidéos a été clarifiée (que ce soit en France, par ex CA Paris, 4e ch., 6 mai 2009, ou en Allemagne par ex BÜSCHER/MÜLLER, Urheberrechtliche Fragestellung des Audio-Video-Streaming, GRUR 2009, p. 558), celle de l’utilisateur ne l’est pas vraiment. En France, le système Hadopi se concentre sur le téléchargement en peer-to-peer (avant la censure exercée par le Conseil Constitutionnel dans sa décision 009-580 DC du 10 juin 2009, la loi ne visait que le peer-to-peer ; il en va de même dans la loi finalement adoptée en 2010,  même si ce n’est plus aussi explicite) et il n’y a pas encore eu de véritable réflexion sur l’appréhension du streaming dans la législation actuelle. En Allemagne non plus l’évolution technique n’avait pas été prévue. Une tendance de la doctrine et de la pratique allemande est toutefois d’adapter l’interprétation des textes existants avant de créer de nouvelles règles. Dans un article de la revue Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht (GRUR), Mesdames Kathleen FANGEROW et Daniela SCHULZ proposent précisément une analyse juridique de l’utilisation de vidéo en streaming illégal (FANGEROW/SCHULZ, article précité). Elles partent de l’exemple du site www.kino.to, très connu en Allemagne, qui propose en libre service et en streaming environ 70 000 films et 340 000 séries télévisées. Le site a été fermé début juin par la justice allemande qui pousuit désormais ses exploitants. Cette fermeture a entraîné des réactions de la part des utilisateurs de kino.to (manifestation contre la fermeture du site, blocage du site internet d'une société enquêtant sur l'affaire : http://www.spiegel.de/netzwelt/netzpolitik/0,1518,767560,00.html).

Si, pour les auteurs de l'article, le streaming constitue une atteinte au droit de reproduction, celle-ci peut entrer, du point de vue des utilisateurs, dans le champ d’application de la copie privée ou de la copie provisoire. Au vu de ce raisonnement il sera intéressant d’étudier la vision française actuelle du streaming et les perspectives d’avenir.

 

Le streaming en tant qu’atteinte au droit d’auteur

 

Pour FANGEROW et SCHULZ, le streaming – tel que décrit en introduction – constitue une atteinte au droit de reproduction au sens du § 16 UrhG. Dans son alinéa 1, le paragraphe dispose que « le droit de reproduction est le droit de reproduire une œuvre que ce soit de manière temporaire ou durable, quel que soit le processus et le nombre. » Cependant comme l’indique les auteurs, pour qu’il y ait reproduction, il doit y avoir « une fixation corporelle  qui permette de rendre l’œuvre accessible aux sens humains de quelque manière que ce soit » (HEERMA dans WANDTKE/BULLINGER, Urheberrecht, Praxis Kommntar zum Urheberrecht, C.H. BECK, 3e édition, 2009, § 16 point 2). Dans le streaming, ce qui constitue la reproduction, ce n’est, bien sûr, pas le fait que le film s’affiche sur l’écran, mais le fait que certaines données soient enregistrées par l’ordinateur. Il importe peu, alors, qu’il ne s’agisse pas d’un enregistrement durable. En effet, lors de la transposition de la directive 2001/29/CE (directive sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur dans la société de l’information), il a été ajouté au § 16 la formulation « que ce soit de manière durable ou temporaire ». Cela montre bien la volonté du législateur d’inclure dans la reproduction au sens de l’article 16 les reproductions temporaires (v. cependant contra,  FRINGUELLI, pour qui l’enregistrement temporaire d’un fragment d’une œuvre pour une représentation unique ne suffirait pas à constituer une reproduction, cité par FANGEROW/SCHULZ dans leur article). Enfin il est tout aussi peu pertinent de relever que les données enregistrées sont fractionnées. Pour les auteurs, si ces données n’ont en soi aucune valeur propre, l’enregistrement de ces données est malgré tout nécessaire pour rendre possible le visionnage des vidéos (DREYER dans DREYER/KOTHOFF/MECKEL, Urheberrecht, C. F. MÜLLER, 2e édition, 2009, § 16 point 15).

Le droit français ne s’est pas encore véritablement penché sur le problème du streaming. Cependant, Amin SINGH a proposé une analyse juridique de cette technique en 2009 (SINGH, Le streaming et la loi « Création et Internet », Revue Lamy Droit de l’Immatériel 2009, n°50). Sa position est radicalement différente de celle du droit allemand. Pour lui, le streaming constituerait non pas une atteinte générale au droit de reproduction, mais une atteinte au droit de mise à disposition de l’œuvre. Ce droit récent, issue de la directive de 2001 (directive 2001/29/CE, précitée), accorde à l’auteur « le droit exclusif d’autoriser ou d’interdire toute communication au public de leurs œuvres, par fil ou sans fil, y compris la mise à disposition du public de leurs œuvres de manière que chacun puisse y avoir accès de l’endroit et au moment qu’il choisit individuellement » (art. 3 de la Directive 2001/29/CE).  Or pour SINGH, la personne qui met à disposition l’œuvre sur Internet porte évidemment atteinte à ce droit, et l’utilisateur qui visionne la vidéo le viole également. Cet auteur s’appuie sur les travaux préparatoires du traité OMPI de 1996 (traité OMPI sur le droit d’auteur adopté à Genève le 20 décembre 1996 : http://www.wipo.int/export/sites/www/treaties/fr/ip/wct/pdf/trtdocs_wo033.pdf) et leur analyse par Jörg REINBOTHE et Silke VON LEWINSKI (REINBOTHE/LEWINSKI, The WIPO Treaties 1996: The WIPO Copyright Treaty and The WIPO Performances and Phonograms Treaty, Commentary and Legal Analysis, Butterworths Lexis Nexis, Royaume-Uni, 2002, cité par SINGH). D’après eux, la prérogative du droit de mise à disposition « doit également s’étendre aux actes éventuels de transmission en aval », c’est-à-dire que l’utilisateur par le simple fait de se faire transmettre l’œuvre porte atteinte au droit de mise à disposition.

Malgré tout, il est étonnant que les juristes français n’utilisent pas le même raisonnement que le droit allemand (au moins dans la méthode de réflexion) En effet, si l’on se fonde sur la définition donnée par FANGEROW et SCHULZ, la technique du streaming nécessite une copie. Le droit français devrait donc aussi se poser la question de savoir si la reproduction temporaire de fragment d’œuvres pour une représentation unique sans l’autorisation de l’auteur porte atteinte au droit de reproduction tel que définit par la loi (ce que fait le droit allemand, v. plus haut). Si la réponse est positive il y a donc atteinte au droit de reproduction et les sanctions prévues par le Code de la Propriété Intellectuelle doivent s’appliquer. Ce n’est que si la réponse est négative que l’approche suivie pour le droit français par M. SINGH, à partir du droit de mise à disposition du public, est la plus pertinente.

 

Le streaming et la copie privée

           

Si FANGEROW et SCHULZ reconnaissent une atteinte au droit de reproduction du § 16 UrhG, elles considèrent cependant que cette atteinte peut entrer dans le champ d’application de la copie privée.

L’exception de copie privée en droit allemand se trouve au § 53 UrhG. Ce paragraphe dispose qu’en principe, les copies d’une œuvre sur n’importe quel support par une personne privée pour son utilisation personnelle sont autorisée, tant qu’elles n’ont pas directement ou indirectement un but lucratif et tant que la copie ne provient pas d’une source manifestement illicite. Les auteurs se demandent ainsi si le visionnage en streaming par l’utilisateur rempli les conditions de cette exception.

Tout d’abord, ils rappellent que la copie digitale rentre bien dans le champ d’application de l’exception de copie privée (LÜFT dans WANDTKE/BULLINGER, § 53, point 11). Ensuite, se pose la question de savoir si la source de la copie, pour être licite, doit-elle forcément être un original de l’œuvre, ou peut-elle être une copie licite ? Pour les auteurs de l’article peu importe que la copie provienne d’un original ou d’une précédente copie (dans le même sens : SCHUNKE dans WANDTKE/BULLINGER, p. 202). La source est illicite, lorsque sa production ou sa mise à disposition du public a porté atteinte au droit de l’auteur ou d’un ayant-droit. En l’espèce, les auteurs analyse le streaming vidéo à partir du site www.kino.to. Les vidéos proposées par le site ne doivent donc pas porter atteinte au droit d’auteur pour que l’exception soit applicable aux utilisateurs. Le site ne propose que des liens vers des vidéos, mais celles-ci ne peuvent être lues que par le biais du site. Pour les auteurs de l’article étudié, il y a mise à disposition du public au sens du § 19a UrhG. De plus il y a de toute façon un acte de reproduction dans l’enregistrement de l’œuvre sur le serveur lié. Or cette reproduction a lieu sans l’autorisation des ayant-droits. La source provenant du site www.kino.to est donc illicite.

Mais cette illicéité, selon le § 53 UrhG, doit être « manifeste ». Comment interpréter ce concept, de façon large ou de façon stricte ? La question se pose toujours en droit allemand. Pour FANGEROW et SCHULZ, il serait préférable d’interpréter strictement la notion d’« illicéité manifeste » : l’utilisateur non-spécialiste en propriété intellectuelle ne devrait pas se voir imposer  la vérification de la licéité de la source, obligation qu’il ne pourrait pas ou seulement difficilement remplir. D’autres auteurs considèrent qu’il faut appliquer des critères objectifs pour savoir si l’illicéité était manifeste (par ex DREYER dans DREYER/KOTTHOFF/MECKEL, § 53, point 25 : ces auteurs considèrent que la source est manifestement illicite lorsqu’il est connu que l’œuvre n’a pas encore été mise à la disposition du public ; l’illicéité est aussi manifeste lorsque la source, de par le type d’œuvre concernée, ne peut être licite. Les logiciels ou les extraits de concert sont cités en exemple). FANGEROW et SCHULZ plaident cependant pour une application subjective de la notion (dans le même sens : DORMIS, Anmerkungen unter OLG Stuttgart, 21.1.2008, Computer und Recht 2008, p.321) ; entre ici en considération la question de savoir si de par son expérience et ces connaissances, l’utilisateur pouvait reconnaître qu’il s’agissait d’une source illicite.

Ainsi l’application de l’exception de copie privée au streaming pour l’utilisateur ne serait possible en droit allemand que si la vidéo lue ne représente pas une violation manifeste du droit d’auteur pour l’utilisateur.

 

Le streaming et la copie provisoire

 

L’exception de copie privée n’est pas la seule possibilité de justifier l’atteinte au droit d’auteur que constitue le streaming. Les auteurs allemands évoquent aussi l’exception de copie provisoire. Cette exception se trouve au § 44a UrhG. Elle est issue du droit européen et plus précisément de la directive 2001/29/CE. Elle autorise ainsi « les actes de reproduction provisoires qui sont transitoires ou accessoires et qui constituent une partie intégrante et essentielle d’un procédé technique et dont l’unique finalité est de permettre une utilisation licite d’une œuvre ou d’un objet protégé » (§ 44a Nr 2 UrhG, également Art 5, 1) de la directive).

Le procédé de streaming consiste effectivement en une reproduction provisoire par le biais des méthodes de caching et de browsing qui sont explicitement visées par l’exception (propos préliminaire 33 de la directive). De plus, le paragraphe dispose que la reproduction ne doit pas avoir de signification économique indépendante. Dans le cas du streaming, le fait que les données enregistrées ne puissent être réutilisées une fois la fenêtre de visionnage fermée est déterminant (DREIER dans DREIER/SCHULZE, Urheberrechtsgesetz, Urheberrechts-wahrnehmungsgesetz, Kunsturhebergesetz, Kommentar, C. H. BECK, 3e édition, 2008, § 44a, point 19). Il n’y a précisément pas de signification économique indépendante des reproductions provisoires du streaming. Les auteurs se penchent ensuite sur le caractère licite de l’utilisation. Toujours selon le propos préliminaire 33 de la directive 2001/29/CE, une utilisation est réputée licite lorsqu’elle est autorisée par le titulaire des droits ou n’est pas limitée par la loi. Comme il semble évident que les titulaires des droits n’ont pas permis le visionnage libre et gratuit des films sur le site internet www.kino.to, il faut savoir ce que signifie ne pas être limitée par la loi. Pour FANGEROW et SCHULZ, cela ne peut vouloir dire que l’utilisation entre dans le champ d’application d’une autre exception légale, car une telle interprétation viderait l’exception spécifique de son contenu. Se pose donc la question de savoir si le fait de recevoir des données pour profiter d’une œuvre porte atteinte au droit d’auteur. Pour répondre par la négative, les auteurs relèvent que les reproductions n’ont pour but que le visionnage du film. Or le simple visionnage d’un film n’entre pas dans le domaine des droits exclusif de l’auteur (MESCHEDE, Der Schutz digitaler Musik- und Filmwerke vor privater Vervielfältigung nach den zwei Gesetzen zur Regelung des Urheberrechts in der Informationsgesellschaft, Peter Lang, 2007, p. 92) et constitue donc une utilisation licite. Ainsi, selon eux, l’utilisateur peut faire valoir l’exception du § 44a Nr. 2 UrhG (MESCHEDE, op. cit., p. 92 ;  mais contra : SCHRICKER/LOEWENHEIM, Urheberrecht Kommentar, C. H. BECK, 4e édition, 2010, § 44a, point 9). Selon FANGEROW et SCHULZ il importe d’ailleurs peu que la source soit illicite puisque, encore une fois, le but des reproductions est licite.

 

Le streaming en droit français : une adaptation nécessaire

 

Ce mécanisme des exceptions pourrait-il s’appliquer en droit français ? Au premier abord cela semble évidemment possible puisque les sources de ce raisonnement sont européennes. Cependant, nous l’avons déjà vu il n’existe très peu d’analyse juridique du streaming se penchant sur l’utilisateur. Seul Amin SINGH a abordé la problématique du streaming illégal du point de vue de l’utilisateur. Il n’a cependant pas reconnu que le streaming portait atteinte au droit de reproduction. Pour lui l’utilisateur du streaming illégal porte atteinte au droit de mise à disposition (article précité ; SINGH reconnait une atteinte au droit de mise à disposition du public « sans qu’il soit besoin de se pencher sur le droit de reproduction et ses exceptions »). Le simple visionnage d’un film constituerait alors une contrefaçon et pourrait justifier l’intervention de la Hadopi. Mais une telle solution n’aurait-elle pas pour conséquence une « criminalisation de la cour d’école » (expression de l’auteur allemand KÖHLER cité par FANGEROW et SCHULZ et qui se fonde  notamment sur le fait que beaucoup d’utilisateur sont des mineurs) ? Le raisonnement allemand semble prendre plus en compte les intérêts en présence. En reconnaissant qu’il y a reproduction (ce qui est tout à fait logique de point de vue de la technique, quoique le streaming laisse à penser qu’il y a seulement reproduction partielle de l’œuvre), les exceptions de copie privée et de copie provisoire permettent de laisser à l’utilisateur de streaming une certaine liberté. Il serait possible en droit français d’arriver à un tel équilibre.

Il faudrait cependant mettre en place quelques ajustements. En ce qui concerne l’exception de copie provisoire, les mécanismes français et allemand sont identiques (voir art L 122-5 6° CPI. Cela s’explique par la source : directive 2001/29/CE). Cependant le législateur français pourrait s’inspirer de la loi allemande pour la copie privée. En effet, le § 53 UrhG prévoit clairement que l’utilisateur ne peut bénéficier de l’exception de copie privée lorsque la source est manifestement illicite. Le droit français se pose toujours la question de l’opportunité d’une telle précision ( GEIGER, « HADOPI », ou quand la répression devient pédagogique – Une analyse critique du dispositif juridique de lutte contre le téléchargement sur les réseaux « de pair à pair », Recueil Dalloz 2011 p. 773, même si le juge est intervenu pour énoncer que la copie privé était illicite lorsque la source de cette copie était elle-même illicite – sans que soit retenue le caractère manifeste de l’illicéité : Cass., crim., 30 mai 2006 et son commentaire par DREYER, Illicéité de la copie privée dont la source est elle-même illicite, Recueil Dalloz 2006 p. 2676). Pourtant certains auteurs de doctrine plaident pour l’insertion de cette règle (notamment GEIGER, article précité, qui invite à imiter nos voisins européens).Cela éviterait de faire peser une trop lourde obligation de vérification de la licéité de la source sur les épaules de l’utilisateur.

Enfin, même si les exceptions ont vocation à s’appliquer, la France comme l’Allemagne connait un mécanisme permettant d’éviter une application trop large des exceptions. C’est le mécanisme du triple test (Dreistufentesten allemand) issu de la convention de Berne. Ainsi l’exception doit constituer un cas particulier précis, ne pas constituer une entrave à l’exploitation normale de l’œuvre et enfin ne pas porter atteinte de manière inacceptable aux intérêts légitimes de l’auteur (pour plus de précision sur ce test voir l’article de GAUDRAT, Le droit d'auteur au lendemain de la transposition – titre  1er de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, RTDCom 2007 p. 107). Sur la base de ces éléments, une réflexion sur le statut juridique du streaming peut être menée. En s’inspirant du modèle proposé par cet article de droit allemand, il serait possible de trouver un mécanisme équilibré entre les intérêts des auteurs et ceux des utilisateurs. Sans la Hadopi, superstructure administrative dont le mode d’action ne permet pas de lutter efficacement contre le streaming …

 

 

 

 

 

 

Bibliographie :

 

BÜSCHER/MÜLLER, Urheberrechtliche Fragestellung des Audio-Video-Streaming, GRUR 2009, p. 558.

 

DORMIS, Anmerkungen unter OLG Stuttgart, 21.1.2008, Computer und Recht 2008, p.321

 

DREIER dans DREIER/SCHULZE, Urheberrechtsgesetz, Urheberrechtswahrnehmungs-gesetz, Kunsturhebergesetz, Kommentar, C. H. BECK, 3e édition, 2008.

 

DREYER dans DREYER/KOTHOFF/MECKEL, Urheberrecht, C. F. MÜLLER, 2e édition, 2009.

 

E. DREYER, Illicéité de la copie privée dont la source est elle-même illicite, Recueil Dalloz 2006 p. 2676.

 

FANGEROW/SCHULZ dans leur article Die Nutzung  von Angeboten  auf  www.kino.to  - Eine urheberrechtliche Analyse des Film-Streamings im Internet, GRUR 2010, p. 677/p. 678.

 

GAUDRAT, Le droit d'auteur au lendemain de la transposition – titre  1er de la loi n° 2006-961 du 1er août 2006, RTDCom 2007 p. 107.

 

GEIGER, « HADOPI », ou quand la répression devient pédagogique – Une analyse critique du dispositif juridique de lutte contre le téléchargement sur les réseaux « de pair à pair », Recueil Dalloz 2011 p. 773.

 

HEERMA dans WANDTKE/BULLINGER, Urheberrecht, Praxis Kommntar zum Urheberrecht, C.H. BECK, 3e édition, 2009.

 

MESCHEDE, Der Schutz digitaler Musik- und Filmwerke vor privater Vervielfältigung nach den zwei Gesetzen zur Regelung des Urheberrechts in der Informationsgesellschaft, Peter Lang, 2007.

 

SCHRICKER/LOEWENHEIM, Urheberrecht Kommentar, C. H. BECK, 4e édition, 2010.

 

SINGH, Le streaming et la loi « Création et Internet », Revue Lamy Droit de l’Immatériel 2009, n°50.