L’encadrement du droit à l’image des mineurs sur les réseaux numériques face à la banalisation de la pratique du « sharenting », comparaison des approches française et allemande, par Nisrine AFFRI
Le jeudi 19 janvier 2023, le député Bruno Studer (1), au moment de déposer sa proposition de loi visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, déclarait : « 53% des parents ont déjà partagé des photos et vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux », « 91% l’ont fait avant que leur enfant ait atteint l’âge de cinq ans » et « 50% des photos échangées sur les forums pédopornographiques avaient été initialement publiées par les parents (2) ».
Dans notre monde ultra connecté, le droit à l’image des mineurs, surexposés par leurs parents sur les réseaux numériques, est devenu un sujet préoccupant qui interpelle les législateurs. La France et l’Allemagne, qui n’échappent pas à ce phénomène mondial, feront l’objet de notre article. Que ce soit au travers des parents qui postent la révélation du sexe de leur bébé, ses premiers pas et bêtises, ou encore des parents influenceurs ou « BlogMama », comme on les appelle en Allemagne, qui documentent l’intégralité du quotidien de leurs enfants, les photos et vidéos de mineurs envahissent le web. Cette tendance de partager des contenus privées mettant en scène des enfants sur les réseaux a désormais un nom. C’est le « sharenting (3) », contraction des mots anglais « share », « partager » et « parenting », « parentalité ». Mais bien que cette pratique puisse paraître anodine, elle n’est pas sans conséquences et présente même des dangers réels, qui poussent aujourd’hui les législateurs à s’interroger sur plusieurs problématiques juridiques et éthiques.
Rappelons que le principe premier du droit à l’image en France et en Allemagne, est que toute personne physique a le droit de contrôler l’utilisation et l’exploitation de son image. Ce droit fondamental permet à toute personne, si elle le souhaite, de « s'opposer à la captation, à la reproduction et à la diffusion de son image sans son consentement (4) ». Autrement dit, lorsqu’il n’y a pas eu de consentement préalable de la personne apparaissant sur une photo ou si l’utilisation de la photo en question diffère de ce à quoi la personne avait consenti, cela peut être considéré comme une violation de son droit à l’image. Cependant, ce principe n’est pas le même pour les enfants qui disposent d’un régime spécial. En effet, les mineurs sont considérés comme des êtres vulnérables ne disposant pas de la capacité juridique (5). De ce fait, ces derniers sont soumis à l’autorité parentale et ce sont donc les parents ou, sauf exception, les garants de l’autorité parentale (tuteurs) qui assurent le contrôle du droit à l’image des mineurs.
Le problème qui se pose est qu’à travers des pratiques comme le sharenting, ce sont les parents eux même qui publient sur internet des photos de leurs enfants, au détriment de la protection de leur image et de leur vie privée. On en vient légitimement à se demander comment les mineurs peuvent défendre leur image, alors même qu’ils n’ont pas la capacité juridique et que ceux qui sont censés les protéger ne le font pas. En France et en Allemagne, les législateurs se retrouvent donc face un conflit d’intérêt entre, d’une part, la liberté d’expression des parents qui souhaitent publier des photos de leur vie et celles de leurs enfants sur les réseaux numériques, et, d’autre part, le droit à l’image des enfants, qui sont souvent trop jeunes pour en comprendre les implications ou qui peuvent ne pas être à l’aise avec ce partage, être harcelés et jugés en ligne ou encore voir leurs photos réutilisées et détournées sans leur permission. Dans ces deux pays, les législateurs ont pris le sujet au sérieux mais sous des angles et avec des moyens différents.
Comment les législations française et allemande encadrent-elle le phénomène du « sharenting » et concilient-elles autorité parentale, liberté d’expression et protection de la vie privée des mineurs face à leur surexposition sur les réseaux sociaux ?
Dans un premier temps, nous verrons les limites de la protection des enfants face au sharenting (I). Puis, il sera question de traiter comment la France et l’Allemagne ont adapté leur législation pour apporter des solutions à ce phénomène (II).
I. Constat des limites du droit face au « sharenting » : une protection des mineurs encore insuffisante ?
Le problème des photos d'enfants sur le web a commencé à se poser avec l’essor du numérique et des réseaux sociaux, principalement à partir des années 2000. Mais le débat sur l’exposition des enfants s’amorce à partir de 2010 lorsque Facebook passe la barre des 500 millions d’utilisateurs, YouTube voit se développer les « vlogs familiaux » (blogs vidéos de vie familiale) et Instagram est créé. A cette période, on peut parler d’un véritable vide juridique en ce qui concerne la publication sur les réseaux, par les parents, de photos de leurs enfants mineurs, et ce, aussi bien en France qu’en Allemagne. En effet, aucune loi ne régit ce type de partage et les enfants ne disposent d’aucun moyen de défense vis à vis de leurs parents.
Pour palier ce vide juridique, la CNIL (Commission Nationale de l'Informatique et des Libertés) et de nombreuses autorités et organismes allemands comme jugendschutz.net ou encore la Kommission für Jugendmedienschutz (KJM) publient depuis 2013 et encore aujourd’hui des guides pratiques expliquant aux parents les risques du partage excessif de photos d’enfants sur Instagram et d’autres réseaux numériques. Ces organismes ne cessent de recommander aux parents d’être vigilant notamment en limitant le nombre de photos publiées, en ne partageant pas de contenus pouvant embarrasser l’enfant plus tard, en restreignant les paramètres de confidentialité ou encore en évitant de mentionner le nom complet et l’école de l’enfant dans les publications. De plus, ils publient constamment des rappels afin de souligner les risques que peuvent représenter la publication de photos d'enfants par les parents, tels que la réutilisation de ces images par des sites et personnes tierces sans consentement, leur exploitation à des fins commerciales, ou encore leur détournement à des fins malveillantes.
Mais ces recommandations, par définition, ne constituent que des conseils et n’ont aucun poids juridique, elles ne sont juridiquement pas contraignantes. Cela signifie que les parents devraient les suivre mais qu’ils n’ont pas l’obligation de les respecter. Cela se ressent d’ailleurs dans les chiffres : le pourcentage d’enfants exposés sur les réseaux n’a jamais été aussi élevé que ces dernières années. Ainsi, les mineurs ne sont toujours pas assez protégés des dérives des parents qui exposent excessivement leurs enfants car, au final, personne ne contrôle les parents eux-mêmes.
II. Une nécessaire adaptation des droits nationaux pour mieux protéger les mineurs
La France a récemment essayé de réglementer le droit à l’image des enfants avec la loi n° 2024 - 120 du 19 février 2024. Le nouveau texte français s’adresse essentiellement aux parents afin de leur rappeler qu’ils n’ont pas un droit absolu sur la gestion de l’image de leurs enfants. Au travers de 5 articles venant compléter ou modifier certaines dispositions du Code civil, les législateurs précisent les droits et devoirs des parents ainsi que leurs limites. A ce jour, l'Allemagne n'a pas adopté de législation spécifique concernant le sharenting. Toutefois, certaines dispositions du code civil allemand sont applicables à ce domaine.
Vers une responsabilité parentale renforcée et des prérogatives limitées en matière de droit à l’image de l'enfant ?
(i) vie privée et autorité parentale
Dès l’article premier de la loi du 19 février 2024, le législateur français modifie l’article 371-1 du Code civil en insérant la notion de « vie privée » de l’enfant dans la définition de l’autorité parentale, renforçant ainsi la responsabilité juridique des parents partageant des contenus privés de leur enfant sur les réseaux numériques. Pour rappel, l’autorité parentale est « un ensemble de droits et de devoirs ayant pour finalité l'intérêt de l’enfant qui appartient aux parents jusqu'à la majorité ou l'émancipation de l’enfant (6) ». Désormais, les parents ont donc l’obligation de protéger la vie privée de leurs enfants au même titre que leur sécurité, santé et moralité qui figuraient déjà dans le code (7).
Par cet ajout, le législateur ne se contente pas d’affirmer une prérogative des parents dans ce domaine mais impose aussi, d’une certaine manière, une limite à la liberté d’expression des parents. Cela implique en effet que ces deniers n’ont pas « une liberté d’expression absolue » lorsqu’ils publient des photos et vidéos de leurs enfants. Au contraire, cela signifie que les parents doivent tenir compte de leur vie privée et s’abstenir de poster des contenus et informations qui pourraient la compromettre. Ils voient ainsi leur responsabilité renforcée, et, même si ils conservent le droit de publier des contenus concernant leurs enfants (liberté d’expression oblige), ce droit peut être limité. En effet, il doit dorénavant être mis en balance avec l'obligation de protéger l'intimité, la vie privée et l'intérêt supérieur des mineurs. Mais bien que cet article représente une avancée majeure dans la lutte pour le respect du droit à l’image des enfants, de nombreux juristes et experts doutent de « son effectivité (8) ». Ils dénoncent notamment « le fait que le législateur ne propose pas de mécanismes concrets pour inciter les parents à revoir leur manière de partager des informations en ligne » (9) et que la notion de vie privée soit trop vague.
Outre Rhin, l’Allemagne n’a pas encore explicitement consacré l’obligation de protection du droit à l’image des enfants ni adapté la définition de l’autorité parentale à la pratique du sharenting. Toutefois, l’article 1626 du code civil allemand (BGB) précise que l’autorité parentale « comprend l'assistance à la personne de l'enfant (assistance personnelle) et aux biens de l'enfant (assistance patrimoniale) ». Si par « assistance personnelle », on entend la protection physique et morale de l’enfant, on peut en tout état de cause établir que cela englobe aussi la vie privée de cet enfant. Dans ce cas, on peut alors légitimement considérer que comme en France, les parents, en tant que garant de l’autorité parentale, doivent implicitement veiller au respect de la vie privée de leur enfant et ne pas poster de photos qui pourraient la compromettre.
Par ailleurs, l’article 5 de ce même code stipule que « toute personne a le droit d'exprimer et de diffuser librement son opinion par la parole, l'écrit et l'image et de s'informer sans entrave aux sources généralement accessibles ». Le législateur reconnait ainsi aux parents le droit de s’exprimer en publiant des photos de leurs enfants mais il précise tout de même dans le paragraphe suivant que « ces droits trouvent leur limite dans les dispositions des lois générales, dans les dispositions légales relatives à la protection de la jeunesse et dans le droit à l'honneur personnel ». Cette précision montre bien que la liberté d’expression des parents ou des personnes souhaitant partager du contenant impliquant des enfants n’est pas sans limite et qu’elle doit être encadrée et mise en balance avec des obligations légales de protection des mineurs, renforçant encore une fois la responsabilité des parents.
(ii) renforcement de la co parentalité
De plus, toujours dans l’optique de renforcer la responsabilité parentale, le législateur français a fait le choix d’ajouter l’article 372-1 au Code civil stipulant que « les parents protègent en commun le droit à l'image de leur enfant mineur, dans le respect du droit à la vie privée mentionné à l'article 9 ». L’idée est que les parents prennent des décisions communes concernant la gestion de l’image de leurs enfants sur le web et qu’ils sont égaux dans la prise de décision. Ainsi, un parent voulant publier une photo de son enfant devra en théorie obtenir l’accord de l’autre pour le faire ou dans le cas contraire, s’abstenir.
Ce principe de co parentalité existait déjà dans l’article 372 du Code civil, mais face à l’ampleur du sharenting, le législateur a choisi de le réaffirmer spécifiquement dans le cadre de la protection de l’image des mineurs (10). Cette décision met en lumière la volonté du législateur de mieux encadrer les prérogatives parentales et de mieux protéger les enfants et leur vie privée. Ce double accord permet d’éviter qu’un seul parent décide unilatéralement de publier des photos de ses enfants dans l’espace numérique. Il doit s’agir d’une décision des deux parents qui dialoguent et échangent leur point de vue sur la pertinence de la publication, ses potentielles conséquences et son impact sur la vie privée des enfants. C’est une manière de faire réfléchir les parents sur leurs responsabilités et de leur faire prendre conscience que partager du contenu impliquant leurs enfants n’est pas un acte anodin mais qu’au contraire il y a un réel impact juridique et social. Le législateur veut ainsi éviter les diffusions impulsives et irréfléchies afin de garantir une meilleure protection de l’image des mineurs. En pratique, on peut s’interroger sur l’effectivité d’une telle règle. En effet, cette loi se veut préventive et dépend de la bonne foi des parents. Cela ne vaut que lorsqu'il y a un dialogue effectif entre les deux parents et qu’ils arrivent à se raisonner et s’entendre pour ne pas poster une image de leurs enfants. Reste à voir si on observera une prise de conscience générale des parents qui se traduira par une baisse de contenus mettant en scène des mineurs dans les prochains mois / années. Mais dans les faits, même si certains parents modifient leur comportement et leur façon de penser, il est très peu probable que cela change drastiquement le pourcentage d’images d’enfants apparaissant sur les réseaux numériques. Les législateurs devront probablement penser à des solutions plus réalistes et plus repressives avec de potentielles sanctions et amendes.
En outre, en cas de désaccord persistant entre deux parents sur l'exercice du droit à l'image de leur enfant, le législateur a également prévu à l’article 3 de la loi du 19 février 2024 une nouvelle mesure qui pourra être ordonnée par le juge aux affaires familiales. En effet, ce dernier pourra être saisi par l’un des parents concernés et « interdire à l'un d'eux la publication ou la diffusion de tout contenu relatif à l'enfant sans l'autorisation de l'autre parent (11) ».
Les articles 2 et 3 de la loi du 19 février 2024 apportent des solutions lorsqu’un parent réussi à convaincre l’autre de ne pas publier de contenus de ses enfants ou encore, lorsqu’en cas de conflits d’intérêts entre les deux parents, le juge interdit au parent récalcitrant de diffuser l'image en question en raison de l'atteinte à la vie privée de l’enfant. Cependant, de nombreux juristes critiquent le silence du législateur « en l’absence de conflit parental appelant un arbitrage judiciaire (12) » ou dans une famille mono parentale où le parent décide de passer outre et expose son enfant, « laissant ce dernier sans recours pour faire respecter son droit à l'image et protéger son intérêt supérieur (13) ».
En Allemagne, on retrouve ce principe de co parentalité et décision commune (gemeinsame elterliche Sorge) à l’article 1626 a du BGB (code civil). L’autorité parentale est alors exercée de manière conjointe pour toutes les décisions importantes concernant les enfants. Bien que le législateur ne précise pas si cette disposition s’applique à leur droit à l’image, on peut considérer en tout état de cause que la publication de contenus dévoilant des instants de leur vie privée en fait partie. Par ailleurs, comme en France, en cas de conflit de co parentalité sur une question concernant l’intérêt supérieur de l’enfant, un des parents pourra saisir le juge allemand. Ce dernier, pourra alors lui confier l’intégralité de l’autorité parentale ou bien seulement interdire un aspect de l’autorité parentale au parent fautif.
(iii) possible délégation à un tiers de l’exercice du droit à l’image de l’enfant
Enfin, l’article 4 de la nouvelle loi prévoit que le juge français puisse imposer une délégation partielle de l’autorité parentale à une personne tierce (14). Ainsi, en cas « d’atteinte grave à la dignité ou à l'intégrité morale du mineur », le juge peut déléguer le droit à l’image de l’enfant à « l’établissement ou le service départemental de l'aide sociale à l'enfance qui a recueilli l'enfant ou un membre de sa famille ». Il faudra suivre comment cette disposition sera appliquée dans le futur, car un tel contrôle en matière de gestion de l’image des enfants par le juge n’a encore jamais eu lieu.
Le législateur essaie ainsi de concilier la protection des intérêts des mineurs et la liberté d'expression des parents en laissant ces derniers publier du contenu mais en leur imposant en même temps des discussions et réflexions afin de mieux comprendre et respecter les droits de leurs enfants.
Vers une meilleure prise en considération du consentement des mineurs ?
La nécessité d’impliquer le mineur et d’ainsi obtenir son consentement dans la prise de décision quant à la diffusion de son image est reconnue à la fois en France et en Allemagne. Toutefois, la façon dont cela est mis en place ou l’âge à partir duquel cela est possible n’est pas le même pour les deux ordres juridiques qui ont choisi des solutions différentes.
Comme évoqué précédemment, le législateur français s’adresse avant tout aux parents, privilégiant une stratégie de prise de conscience et de responsabilisation de ces derniers. Ainsi, il ne propose pas vraiment de solution pour que les enfants participent eux même directement à la protection de leur image. Ils sont tout de même mentionnés à l’article 2 de la loi du 19 février 2024 lorsque le législateur précise que les parents doivent « associer l'enfant à l'exercice de son droit à l'image, selon son âge et son degré de maturité ». Cette formulation a fait grand bruit auprès des experts et juristes qui la trouvent assez flou et imprécise. Elle laisse entendre que les parents doivent consulter leurs enfants et tenir compte de leur capacité de discernement lorsqu’ils veulent publier du contenu où ils apparaissent. Cependant, elle ne précise ni que les parents sont dans l’obligation de respecter leur avis, ni aucun critère précis sur ce qui définirait l’âge ou le degré de maturité « idéal ». Le législateur est « resté sourd aux préconisations de la doctrine15 » qui suggérait une implication directe des mineurs dans la gestion de leur image. En effet, il était proposé que les parents soient obligés de recueillir le consentement explicite de leur enfant pour publier du contenu le concernant. Il est évident que les enfants ne comprennent pas les choses de la même façon et qu’il aurait fallu une distinction entre les bébés, les jeunes enfants et les adolescents. Mais une solution aurait pu être d’établir un âge où l’enfant est assez mature et a assez de discernement pour autoriser ses parents à utiliser son image sur internet. Le législateur aurait alors pu préconiser l’âge de 12/13 ans si on estime qu’un collégien est en âge de comprendre les enjeux et impacts liés à une telle publication, l’âge de 15 ans si on prend en compte l’âge de la majorité numérique ou encore l’âge de 16 ans qui est l’âge à partir duquel un mineur peut consentir au traitement de ses données personnelles en Europe. Malheureusement, le législateur n’a pas décidé de suivre ces propositions. Il faut aussi garder à l’esprit que la maturité est propre à chacun et varie énormément d’un enfant à l’autre. Il est donc difficile de déterminer un âge fixe puisque malgré un âge similaire, les enfants n'auront pas le même degré de maturité.
Outre Rhin, c’est un peu différent car le consentement des enfants est pris en compte dès le plus jeune âge. Jusqu’à 8 ans, les parents décident seuls de partager des photos mais doivent tout de même consulter leur enfant s’il est en mesure d’en comprendre les implications. De 8 à 14 ans, les parents peuvent toujours décider de diffuser l’image sur internet mais doivent aussi obtenir l’accord de l’enfant en fonction de son âge et de sa maturité afin de garantir un équilibre entre la responsabilité parentale et les droits de l’enfant. C’est ce qu’on appelle « Doppelzuständigkeit » (double accord). A partir de 14 ans, le législateur considère que les enfants peuvent pleinement discerner les choses et prendre des décisions éclairées sur l’exposition de leur image en ligne. Ainsi, bien que la loi allemande fixe l’âge du consentement aux traitements de leurs données personnelles à 16 ans, une exemption permet aux enfants de 14 ans d’accepter ou de refuser de consentir à des publications les concernant sans l'autorisation de leurs parents. Leur consentement devient alors juridiquement contraignant et les parents ne peuvent pas s’opposer à leur refus. Dès lors, bien que les deux ordres reconnaissent l’importance de prendre en compte le consentement du mineur, on remarque une différence d’effectivité et de moyens pour le faire respecter. En France, le respect du consentement de l’enfant n’est pas obligatoire et repose sur la bonne foi des parents tandis qu’en Allemagne, il devient juridiquement contraignant à partir d’un certain âge. Ainsi, contrairement au législateur français qui reste flou dans sa formulation et laisse une grande marge de manœuvre aux parents, le législateur allemand accorde un rôle plus important aux mineurs dans la protection de leur image et de leurs données personnelles selon leur maturité et capacité de discernement.
Notes de bas de page :
(1) Député à l’origine de la proposition de loi n°758 visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants déposée le 19 janvier 2023 à l’Assemblée Nationale (Renaissance) : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0758_proposition-loi
(2) Chiffres d’une étude du 6 février 2023 réalisée par l'entreprise Potloc à travers un questionnaire sur les réseaux sociaux et dévoilée par l’OPEN (Observatoire de la Parentalité et de l’Éducation Numérique) : https://www.open-asso.org/presse/2023/03/sharenting-partager-des-photos-...
(3) Le sharenting (anglicisme) est « une pratique qui consiste, pour les parents, à publier des photos ou des vidéos de leurs enfants sur les réseaux sociaux » (Définition de la Commission nationale de l'informatique et des libertés) : https://www.cnil.fr/fr/definition/sharenting#:~:text=Le%20
(4) Cour de cassation, Chambre civile n°1, 2 juin 2021, 20-13.753, publié au bulletin
(5) Article 1146 du Code civil
(6) Article 371-1 du Code civil
(7) CLÉMENT-FONTAINE Mélanie, « Panorama rapide de l'actualité "Technologies de l'information" de la semaine du 5 février 2024 – Adoption de la proposition de loi sur le droit à l'image des enfants définitivement », Dalloz Actualité, 2024, parution le 5 février 2024.
(8) ROGUE Fanny, « Respect du droit à l'image des mineurs : une nouvelle loi symbolique pour une effectivité relative ? », L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes, 2024, n°4, p. 7, parution le 1er avril 2024.
(9) ROGUE Fanny, « Respect du droit à l'image des mineurs : une nouvelle loi symbolique pour une effectivité relative ? », L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes, 2024, n°4, p. 7, parution le 1er avril 2024.
(10) MALLEVAEY Blandine, « Loi du 19 février 2024 sur le droit des enfants au respect de leur image : l'illustration parfaite d'un texte incohérent, inutile et incomplet ? », Petites affiches, 2024, n°5, p. 36, parution le 31 mai 2024.
(11) Article 373-2-6 du Code civil
(12) ROGUE Fanny, « Respect du droit à l'image des mineurs : une nouvelle loi symbolique pour une effectivité relative ? », L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes, 2024, n°4, p. 7, parution le 1er avril 2024.
(13) ROGUE Fanny, « Respect du droit à l'image des mineurs : une nouvelle loi symbolique pour une effectivité relative ? », L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes, 2024, n°4, p. 7, parution le 1er avril 2024.
(14) Article 377 du Code civil
(15) MALLEVAEY Blandine, « Loi du 19 février 2024 sur le droit des enfants au respect de leur image : l'illustration parfaite d'un texte incohérent, inutile et incomplet ? », Petites affiches, 2024, n°5, p. 36, parution le 31 mai 2024.
Bibliographie :
Articles de doctrine
ALIG Olivia, « Sharenting, Mama-Blogger, Kinderinfluencer & Co. – Eine rechtliche Betrachtung », BPJMAKTUELL, 2021, n°4.
MALLEVAEY Blandine, « Loi du 19 février 2024 sur le droit des enfants au respect de leur image : l'illustration parfaite d'un texte incohérent, inutile et incomplet ? », Petites affiches, 2024, n°5, p. 36, parution le 31 mai 2024.
HAHN Marleen, « Sharenting – Wenn Eltern Bilder ihrer Kinder veröffentlichen », Médiakompetenz, 30 juin 2023, mecodia.
ROGUE Fanny, « Respect du droit à l'image des mineurs : une nouvelle loi symbolique pour une effectivité relative ? », L'ESSENTIEL Droit de la famille et des personnes, 2024, n°4, p. 7, parution le 1er avril 2024.
CLÉMENT-FONTAINE Mélanie, « Panorama rapide de l'actualité « Technologies de l'information » de la semaine du 5 février 2024 – Adoption de la proposition de loi sur le droit à l'image des enfants définitivement », Dalloz Actualité, 2024, parution le 5 février 2024.
Textes officiels
LOI n° 2024-120 du 19 février 2024, visant à garantir le respect du droit à l'image des enfants (1), JORF n°0042 du 20 février 2024
PROPOSITION DE LOI visant à garantir le respect du droit à l’image des enfants, enregistrée à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 janvier 2023
CODE CIVIL
GRUNDGESETZ (Loi fondamentale de la République fédérale d’Allemagne)
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel (RGPD)
Sites internet
https://www.dr-datenschutz.de/datenschutz-bei-kindern-und-jugendlichen/
https://mecodia-medienkompetenz.de/medienpaedagogik-blog/sharenting-wenn...
https://www.cnil.fr/fr/partage-de-photos-et-videos-de-votre-enfant-sur-l...
https://www.arag.de/rechtsschutzversicherung/internet-rechtsschutz/recht...