Intersexualité. Avancée historique du système juridique allemand dans la reconnaissance d’un sexe neutre : contraste avec le déni persistant des juridictions françaises


Le 10 octobre 2017, la Cour constitutionnelle fédérale allemande (das Bundesverfassungsgericht, BVerfG) décide de mettre fin à la question de la reconnaissance juridique de l’intersexualité, longuement débattue durant ces dernières années. Elle permet ainsi à l’Allemagne de devenir le premier pays d’Europe créateur d’une nouvelle catégorie d’identité sexuelle neutre. Les juridictions françaises restent en revanche quant à elles encore très fermées à l’idée d’un tel changement juridique sociétal jusqu’à en oublier les valeurs fondamentales du droit international et européen assurant la protection de droits et libertés fondamentales de l’Homme.

        Si l’on remonte aux origines de l’humanité, la mythologie grecque parlait déjà d’un « troisième sexe » considéré à l’époque comme « androgyne ». La nature de l’homme était ainsi composée d’un sexe masculin, d’un deuxième féminin et également d’ un « troisième sexe » qui disparu complètement avec le temps.
Le terme de « troisième sexe » connaitra par la suite une multitude d’interprétations concernant sa signification. Il fait l’objet très souvent de cafouillage en étant associé à d’autres termes tels que celui d’« hermaphrodite », « d’homosexualité » ou encore de « transexualité ».

D’après un avis du Conseil d’éthique allemand publié le 23 février 2012, de nombreuses confusions subsistent encore aujourd’hui quant à la définition de l’intersexualité « manquant souvent de clarté » et faisant l’objet de contestations lors de débats publics. Parfois remplacé par le terme « intersexuation » (« Zwischengeschlechtlichkeit » ou « Intergeschlechtlichkeit »), l’intersexualité concerne les personnes « qui, du fait de particularités physiques, ne peuvent pas être clairement classées homme ou femme. ».

Comment et dans quelles mesures l’intersexualité est-elle perçue jusqu’à aujourd’hui par le droit allemand et le droit français ? 

Il conviendra ici dans un premier temps d’étudier l’origine du refus de l’Allemagne et de la France de reconnaitre et d’introduire l’intersexualité dans leur système juridique propre notamment à travers l’impact d’une structure classique de bipolarisation du sexe (homme/femme) commune. Puis dans un second temps, nous comparerons l’évolution des deux systèmes juridiques en mettant en lumière le décalage de l’ordre juridique français avec l’évolution et la dynamique législative allemande ainsi que de nombreux autres pays dans le monde.  

(I) L’intersexualité, une catégorie sexuelle pendant longtemps méconnue par la loi française et allemande.

Face à de nombreuses confusions relatives à la définition de l’intersexualité, une récente note d’information du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme datée de mai 2017 vient éclaircir le terme intersexualité en déclarant que « les personnes intersexes sont nées avec des caractères sexuels génitaux ou chromosomiques qui ne correspondent pas aux définitions binaires types des corps masculins ou féminins. Le terme intersexe s’emploie pour décrire une large gamme de variations naturelles du corps. Celles-ci peuvent être apparentes à la naissance ou seulement à la puberté. Certaines variations intersexes chromosomiques peuvent ne présenter aucun signe extérieur.» En outre, « entre 0,05 % et 1,7 % de la population mondiale naîtrait avec des caractères intersexués» et font face pour la plus part d’entre eux à de réelles difficultés quant à la reconnaissance juridique de leur identité sexuelle. En effet, l’Allemagne comme la France renoncent depuis de nombreuses années à consacrer juridiquement cette catégorie sexuelle, pourtant depuis toujours existante, ce qui rend aujourd’hui difficile l’intégration sociale des personnes concernées au sein de la société.

(A) Chronique des refus systématisés du juge allemand en matière de reconnaissance d’un troisième sexe.

La conception binaire classique homme/femme en droit allemand en matière d’identité sexuelle existe depuis 1875 avec une première loi relative à l’authentification de l’état civil et au mariage (Gesetz über die Beurkundung des Personenstandes und die Eheschließung). Celle-ci obligeait déjà à l'époque les parents de renseigner le sexe soit masculin soit féminin de leurs enfants à la naissance. Par ailleurs, en 2007, la loi relative à l’état civil (Personenstandsgesetzt) dispose dans son article 21 alinéa 1-3 que « dans le registre de naissance devra être enregistré (…) le sexe de l’enfant. » et dans son article 22 alinéa 3 que "si l’enfant ne peut être affecté au sexe masculin ou féminin, son état civil même vide doit être inscrit dans le registre des naissances.» Ainsi, la législation consacre clairement une place importante à la détermination du sexe d’un individu dès sa naissance pour son identité individuelle et nie indirectement toute possibilité d’enregistrer un sexe autre que féminin ou masculin dans le registre d’état civil.

Mais c’est en 2008 que la jurisprudence allemande montre un premier signe de changement en matière de reconnaissance de l’existence d’une éventuelle catégorie sexuelle autre que celle à caractère féminin ou masculin. En effet, à travers l’Ordonnance sur l’application de la loi relative à l’état civil (Verordnung zur Ausführung des Personenstandsgesetzes), le juge allemand autorise pour la première fois les intéressés à mettre en suspens l’établissement de l’acte de naissance d’un enfant considéré comme intersexe dès sa naissance jusqu’à ce que son sexe puisse être définitivement déterminé. La loi relative à la modification des dispositions juridique sur l’état civil du 7 mai 2013 (Gesetz zur Änderung personenstandsrechtlicher Vorschriften), dans son article 1 alinéa 6, vient par la suite appuyer les dispositions de l’ordonnance de 2008 en autorisant les personnes considérées intersexuées à ne pas renseigner le champ relatif au sexe dans les documents administratifs et ainsi en laissant ce dernier vide. Mais le juge reste cependant catégorique et ne reconnait en aucun cas l’existence juridique d’un troisième sexe. Les personnes intersexuées ne peuvent qu’au cours de leur vie uniquement faire le choix d’un sexe masculin ou féminin, ou de garder la mention du sexe non renseignée, à savoir une mention vide.

C’est dans le règlement d’application de la loi relative à l’état civil (Allgemeine Verwaltungsvorschrift zur Änderung der allgemeinen Verwaltungsvorschrift zum Personenstandsgesetz) du 3 juin 2014 que le juge ajoute pour la première fois l’impossibilité d’inscrire les mentions « indéterminé » ou « intersexuel » dans les documents officiels. S’ensuivent de nombreuses décisions du Tribunal de Première Instance de Hanovre le 13 octobre 2014, du Tribunal Régional Supérieur de Celle le 21 janvier 2015 puis de la Cour fédérale de justice de Karlsruhe le 22 juin 2016, refusant fermement d’aller plus loin dans la reconnaissance de l’existence juridique d’un troisième sexe et qui persistent à rejeter toute mention telles que « inter » ou encore « divers » dans les documents officiels. La législation allemande estime que « ces changements ne sont dans un premier temps pas possibles au regard de la Loi du 7 mai 2013 » et que la création d’un autre genre, « constitutionnellement non nécessaire », serait « contraire au système de genre binaire de l’ordre juridique allemand ». L’introduction d’un troisième sexe nécessiterait en outre des changements juridiques conséquents, notamment en droit de la famille qui est basé sur un système dual classique du sexe.

Du côté de la France, il semblerait que des incertitudes liées au genre et à l’identité sexuelle existent également depuis longtemps dans l’ordre juridique interne français et persistent encore beaucoup aujourd’hui.

(B) La question de l’identité sexuelle et du genre fortement appréhendée par le droit interne français.

Tout comme en Allemagne, la conception sexuelle dualiste classique homme/femme est très clairement ancrée dans la société et le système juridique français. Selon un arrêt de la Cour d’Appel de Paris du 18 janvier 1974, il n’existe pas de genre « neutre » dans la mesure où le juge estime que même si un « individu présente des anomalies organiques, il devra être obligatoirement rattaché à l'un des deux sexes masculin ou féminin.» De plus, l’importance de l’identification du sexe féminin ou masculin dans les registres d’état civil pour l’identité individuelle d’une personne à sa naissance est également consacrée dans le Code Civil. L’article 57 dispose en effet que « l’acte de naissance énoncera le jour, l’heure et le lieu de la naissance, le sexe de l’enfant et les prénoms qui lui seront donnés, les prénoms, noms, âges, professions et domiciles des père et mère et, s’il y a lieu, ceux du déclarant. (…) ».
Une circulaire du 10 janvier 2000 relative à l’établissement des cartes nationales d’identité, vient compléter l’article 57 du Code civil en précisant que « le sexe doit être indiqué sur l'acte de naissance par la lettre M (masculin) ou F (féminin) ».

À son tour, la Cour de Cassation dans deux arrêts datant de 1975 et 1990 s’oppose fermement à toute modification concernant la mention du sexe de personnes intersexuées dans les registres de leur état civil en vertu du principe d’indisponibilité de l’état des personnes. Selon elle, la transexualité ne peut qu’uniquement être caractérisée par un changement de prénom et non par un changement de sexe. En ignorant ainsi le droit au respect de la vie privée des personnes considérées comme intersexuelles, prévu à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme, la Cour européenne des droits de l’Homme condamne pour la première fois la France dans un arrêt du 24 mars 1992. 

Un arrêt de la Cour d’Appel de Versailles du 22 juin 2000 expose pour la première fois la possibilité pour une personne considérée comme intersexuelle de changer de sexe à l’état civil, mais en restant toujours dans le cadre du système binaire de sexe classique. Une seconde circulaire du 28 octobre 2011 viendra par la suite permettre l’admission d’un sexe « neutre » à titre provisoire. Elle dispose que « lorsque le sexe d'un nouveau-né est incertain, il convient d'éviter de porter l'indication de « sexe indéterminé » dans son acte de naissance. ». «Les parents doivent se renseigner auprès de leur médecin pour savoir quel est le sexe qui apparaît le plus probable compte tenu, le cas échéant, des résultats prévisibles d'un traitement médical » gravant ainsi dans le marbre l’identité sexuelle des enfants et posant à nouveau un réel problème juridique quant au droit au respect de la vie privée prévu à l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

La Loi n°2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé dans son article L. 1111-4 vient cependant préciser « qu’aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ». L’article R.4127-41 du code de la santé publique dispose qu’« aucune intervention mutilante ne peut être pratiquée sans motif médical très sérieux et, sauf urgence ou impossibilité, sans information de l'intéressé et sans son consentement. ».
Par ailleurs, la Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle précise dans son article 56 que le changement d’état civil pour les personnes intersexuelles doit être facilité à travers la « déjudiciarisation » et la « démédicalisation » de la procédure en question, désormais sous le contrôle du juge et non plus confiée au Procureur de la République. Ainsi, afin qu’un juge valide une demande de changement d’état civil, les personnes intersexuelles ne sont désormais plus obligées de subir des opérations ou encore de suivre des traitements hormonaux.

Après avoir étudié l’origine des nombreux refus de la législation allemande et française dans la reconnaissance d’une éventuelle nouvelle catégorie sexuelle en faveur des personnes intersexuées, ainsi que leur conception binaire du sexe commune impactant sur l’autodétermination de l’individu intersexuel et sur son intégration sociale, il est important de mettre en lumière l’évolution législative du droit allemand et son ouverture sur la question du troisième sexe. A cet égard, le décalage du système juridique français peinant à consacrer encore aujourd’hui la notion de « sexe neutre » présente un fort contraste.

(II) Les différentes tournures juridiques française et allemande concernant la reconnaissance de l’existence d’un troisième genre

Alors que l’Allemagne et la France viennent dernièrement de légaliser le « mariage pour tous »  , plaçant les couples homosexuels et hétérosexuels sur un même pied d’égalité en abolissant les singularités du mariage liées au sexe, la dynamique législative récente des deux pays respectifs concernant la reconnaissance juridique du troisième genre ne semble pas être véritablement la même. En effet, le 4 mai 2017 en France, la Cour de cassation refuse à nouveau de consacrer juridiquement la notion de « sexe neutre » alors que dans une décision du 10 octobre de la même année, la Cour constitutionnelle fédérale allemande décide, à l’inverse, de mettre fin au débat sur la question de l’identité sexuelle en légalisant le troisième genre.

(A) Décision du 10 octobre 2017 de la Cour constitutionnelle fédérale allemande: vers une loi sur la diversité sexuelle et des genres ?

Il existe clairement aujourd'hui un mouvement juridique international pour la reconnaissance de l’identité de genre non binaire des personnes intersexuelles. La question de l’intersexualité est désormais beaucoup plus présente dans les esprits que par le passé.

Avec la décision du 10 octobre 2017 de la Cour constitutionnelle fédérale allemande, appuyée au Bundestag le 30 novembre 2017 et complétée par une décision de la Cour fédérale de justice allemande (das Bundesgerichtshof, BGH) du 29 novembre 2017, l’Allemagne rejoint en effet l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Pakistan, l’Inde, le Népal, Malte, le Canada, les Etats-Unis ainsi que l’Argentine et devient le premier pays d’Europe à reconnaitre l’existence d’une nouvelle catégorie sexuelle neutre en légalisant le « troisième sexe ». 

Dans sa décision du 10 octobre 2017, la Cour définit les personnes intersexes comme ne pouvant associer leur identité sexuelle à celle de l’homme ou de la femme. Elle rejoint la définition établie par un rapport de la Commission européenne publié le 21 septembre 2012. Elle insiste sur le fait que les personnes nées intersexuelles ne sont atteintes d’aucune maladie ou de malformation qui nécessiteraient une opération du corps.

Selon les considérations du Sénat, le droit général à la vie privée protège l’identité sexuelle qui est essentiellement un aspect constitutif de sa personnalité. L’assignation à un genre est d’une importance primordiale pour l’identité individuelle. La loi sur l’état civil (PStG) exigeant dans son article 21 et 22 une inscription par sexe mais n’autorisant pas l’intersexué à enregistrer son identité de genre ressentie, mettrait en péril le développement de l’auto-détermination sexuelle.

Par ailleurs, le Sénat poursuit en considérant que la Loi fondamentale allemande (Grundgesetz, GG) n’exige en aucun cas que l’état civil soit réglementé exclusivement en fonction du système traditionnel binaire du sexe, du fait qu’elle ne force pas la normalisation du sexe dans le cadre de l’état civil et n’empêche pas la reconnaissance d’une autre identité sexuelle que celle du sexe féminin et masculin. Ainsi, les articles 21 et 22 de la loi sur l’état civil (PStG) violent l’article trois de la Loi fondamentale car le critère du genre ne devrait en principe être utilisé comme source de différence de traitement.

Alors que l’article trois de la Loi fondamentale allemande protège les personnes n’appartenant pas au sexe masculin ou féminin contre la discrimination, les articles 21 et 22 de la loi sur l’état civil (PStG) défavorisent très clairement les personnes intersexuées, dans la mesure où ils ne leur laissent en aucun cas la place à une éventuelle catégorie intersexe. Selon le Sénat, la loi sur l’état civil (PStG) est discriminatoire du fait de l’importance extrême de la classification sexuelle qu’elle consacre pour l’identité individuelle. Elle viole par la même occasion l’interdiction de discrimination posée par la Loi fondamentale allemande dans son article trois. 

Dans l’intervalle, la Cour interdit à l’administration allemande de contraindre toute personne intersexuelle, présentant des caractéristiques anatomiques, chromosomiques ou hormonales ne relevant pas strictement au sexe masculin ou féminin, à choisir leur identification uniquement à partir du système binaire homme/femme qu’elle vient ainsi en quelque sorte indirectement abolir.

En outre, les tribunaux et les autorités administratives ne sont plus autorisés à appliquer les articles 21 et 22 de la loi sur l’état civil du fait qu’ils constituent une obligation d’indication sexuelle aux personnes dont le développement sexuel varie et qui ne peuvent s’associer de manière permanente au genre masculin ou féminin.

La Cour exige enfin l’abrogation des précédentes décisions en date du 22 juin 2016, du 21 janvier 2015, et du 13 octobre 2014, la mise en oeuvre de la législation du troisième sexe ainsi que la modification de tout texte de lois en lien avec le critère du sexe. Une nouvelle catégorie sexuelle, appelée « troisième sexe » est par conséquent consacrée et l’idée de d’indétermination du sexe dès la naissance est reconnue. De ce fait, l’acceptation par la Cour de la « mention positive » neutre sur les documents d’identité pour les intersexués invite par la même occasion les députés à introduire dans les documents concernés une mention telle que « inter », « divers » ou tout autre « désignation positive du sexe ». Le Parlement a jusqu’à fin 2018 pour adopter une loi reconnaissant l’existence d’un troisième genre qui ne serait ni masculin ni féminin. Il est exigé du Gouvernement fédéral allemand d’introduire jusqu’au 31 décembre 2018 la notion de « troisième sexe » aux côtés de celles « masculin » et « féminin » dans tous les documents officiels ou bien d’abolir complètement le système d’enregistrement du sexe à l’état civil pour tous.

Cette décision met un terme définitif au débat sur la reconnaissance juridique de l’existence du sexe neutre, ce qui est considéré par la société comme une « avancée historique » voire « une petite révolution » de l’ordre juridique allemand. À contrecourant de l’évolution de nombreux systèmes juridiques, il semblerait que la France n’ait pas encore choisi de prendre la même direction que l’Allemagne sur le plan législatif.

(B) Le maintien de la conception classique binaire du sexe, un système juridique français dépassé par la réalité et en désaccord avec le droit international et européen ?

Alors que la conception binaire de l’identité sexuelle est rejetée en droit international et européen, comme en témoigne par exemple un rapport fait en 2015 par le Commissaire des droits de l’Homme du Conseil de l’Europe réclamant à tous ses Etats membres « d’offrir la possibilité de ne pas choisir un marqueur de genre spécifique masculin ou féminin » ou encore la consécration de la notion de genre faite par la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre les violences à l’égard des femmes et la violence domestique du 11 mai 2011, la France est encore bien loin de procéder à un tel changement juridique.

En effet, dans un arrêt du Tribunal de Grande instance de Tours du 20 aout 2015, un premier pas avait certes été fait en matière de reconnaissance du « sexe neutre » par le juge. Toutefois, dans un arrêt de la Cour d’Appel d’Orléans du 22 mars 2016, le juge refuse catégoriquement la consécration de la notion de « sexe neutre » en se fondant sur l’apparence physique et le comportement social du plaignant en l’espèce. Cette décision sera par la suite confirmée par la Cour de Cassation le 4 mai dernier, rejetant toute demande d’inscription sur l’état civil de la mention de « sexe neutre ». La Cour estime que la binarité des sexes est l’un des fondements de l’ordre social et l’introduction d’un sexe neutre aurait des conséquences importantes dans l’ordre juridique français. En réaction, une demande d’auto-saisine est présentée le 23 février 2016 par les avocats du requérant au Comité consultatif national d’éthique.

Le maintien de la conception traditionnelle binaire du sexe témoigne d’un profond décalage du droit interne français vis-à-vis de l’existence biologique claire d’autres sexes de nos jours mais aussi vis-à-vis du caractère inévitable de l’intégration du genre dans l’ordre juridique français aujourd’hui. Ce décalage ainsi que l’ignorance de la France envers le cadre juridique international et européen se payent par des condamnations de la Cour européenne des droits de l’Homme à son encontre. En effet, dans un arrêt de la Cour européenne des droits de l’Homme du 6 avril 2017, la France a été condamnée du fait d’avoir violé l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme relative au droit au respect de la vie privée, pour avoir obligé des opérations stérilisantes et traitements conditionnant le changement de la mention du sexe à l’état civil entraînant une très forte probabilité de stérilité. 

Il ne reste plus qu’à espérer que la « frontière corporelle » en matière de reconnaissance d’identité sexuelle du système juridique français évoluera dans le temps. Même si les arrêts de la Cour d’Appel d’Orléans du 22 mars 2016 et de la Cour de Cassation du 4 mai 2017 sont restés fermés à l’idée d’intégrer la notion de « troisième sexe » dans l’ordre juridique français, le jugement du Tribunal de grande instance de Tours du 20 aout 2015 pourrait laisser malgré tout un espoir en matière de reconnaissance du sexe neutre, avant que la législation française ne soit contrainte par la Cour européenne des droits de l’Homme de modifier ses textes. 

 

Bibliographie

Revues juridiques

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- M. H., Point sur le transexualisme, Dalloz, 13.12.2012, consultable à l’adresse suivante (consulté le 13.04.2018): https://actu.dalloz-etudiant.fr/a-la-une/article/point-sur-le-transsexualisme/h/a6ee22e2f253c4aff48071683da16fac.html
 

Législations et textes officiels

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- Personenstandsgesetz du 19 février 2007, version en vigueur depuis le 20.7.2017, consultable à l’adresse suivante (consulté le 5.04.2018): https://www.gesetze-im-internet.de/pstg/BJNR012210007.html

- Verordnung zur Ausführung des Personenstandsgesetzes (Personenstandsverordnung – PStV), 22.11.2008, BGBl. I S. 2263. consultable à l’adresse suivante (consulté le 5.04.2018): https://www.gesetze-im-internet.de/pstv/ 

- Gesetzes zur Änderung personenstandsrechtlicher Vorschriften (Personenstandsrechts-Änderungsgesetz - PStRÄndG), 7.5.2013, BGBl I S. 1122. consultable à l’adresse suivante (consulté le 12.04.2018): https://beck-online.beck.de/Dokument?vpath=bibdata%5Cges%5Cpstraendg%5Ccont%5Cpstraendg.htm

- Allgemeine Verwaltungsvorschrift zur Änderung der allgemeinen Verwaltungsvorschrift zum Personenstandsgesetz, 3.06.2014, BRPIPr 920, S.53B-53C, consultable à l’adresse suivante (consulté le 12.04.2018): http://dipbt.bundestag.de/extrakt/ba/WP18/573/57308.html

- Article 57 alinéa 1, Code civil, version en vigueur depuis le 1.7.2006. Consultable à l’adresse suivante (consulté le 10.04.2018): https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do;jsessionid=4AA82DD3D47011890135D40811CAC835.tplgfr29s_3?cidTexte=LEGITEXT000006070721&idArticle=LEGIARTI000006420906&dateTexte=20180502&categorieLien=cid#LEGIARTI000006420906)

- Points 49 et 55, Circulaire relative à l’établissement des cartes nationales d’identité, NOR : INTD0000001C, 10.1.2000. consultable à l’adresse suivante (consulté le 14.04.2018): https://www.gisti.org/IMG/pdf/norintd0000001c.pdf

-  LOI n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, NOR: MESX0100092L, consultable à l’adresse suivante (consulté le 16.04.2018):  https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000000227015&categorieLien=id

- Article R.4127-41 du code de la santé publique, consultable à l’adresse suivante (consulté le 16.04.2018) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006912904&cidTexte=LEGITEXT000006072665&dateTexte=20091126&oldAction=rechCodeArticle

- Article 56, LOI n° 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle, 18 novembre 2016, consultable à l’adresse suivante (consulté le 15.04.2018) http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSC1709389C.pdf

- Gesetz zur Einführung des Rechts auf Eheschließung für Personen gleichen Geschlechts (Eheöffnungsgesetz, EheöffnungsG), 20 juillet 2017, BGBl. I S. 2787.

- LOI n° 2013-404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe.

- Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique, 11.05.2011, consultable à l’adresse suivante (consulté le 18.04.2018): https://rm.coe.int/1680084840

- Loi de Malte « Gender Identity, Gender Expression and Sex Characteristics Act » de 2015

- Loi australienne « Sex Discrimination Amendment Act - Sexual Orientation, Gender Identity and Intersex Status » de 2013

 

Jurisprudences

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- Beschluss Personenstandsverfahren auf Berichtigung einer Geburtsregistereintragung: Eintragung von Intersexuellen in das Geburtenregister ohne Geschlechtsangabe, Oberlandesgerichts Celle 17. Zivilsenat, 21.01.2015- 17 W 28/14, consultable à l’adresse suivante (consulté le 10.04.2018):  https://dejure.org/dienste/vernetzung/rechtsprechung?Gericht=OLG%20Celle&Datum=21.01.2015&Aktenzeichen=17%20W%2028/14

- Beschluss, Amtsgerichts Hannover,13.10 2014 -85 III 105/14, consultable à l’adresse suivante (consulté le 10.04.2018):https://dejure.org/dienste/vernetzung/rechtsprechung?Gericht=AG%20Hannover&Datum=13.10.2014&Aktenzeichen=85%20III%20105/14

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- CA Orléans, Ch. réunies, arrêt infirmatif, 22.3.2016, 15/ 03281.: disponible à l’adresse suivante (consultée le 5.04.2018) : https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000032317554

- Arrêt de chambre - requêtes n° 79885/12, 52471/13 et 52596/13 , CEDH, 06.04.2017, Arrêt A.P., Garçon et Nicot c. France - changement de la mention du sexe sur l’état civil.

- C.cass, 1ère Ch. civile, arrêt de rejet, 4.5.2017, 16-17189, publié au bulletin. : disponible à l’adresse suivante (consultée le 5.04.2018)

 

Documents officiels

- Conseil d’éthique allemand, avis, Intersexualité, 23.2.2012, BT-Drs. 17/9088: disponible à l’adresse suivante (consultée le 5.04.2018): http://www.ethikrat.org/files/avis-intersexualite.pdf

- Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, note d’information, Intersexe, mai 2017: consultable à l’adresse suivante (consulté le 10.04.2018): https://www.unfe.org/wp-content/uploads/2017/05/Intersex-FR.pdf

- Circulaire relative aux règles particulières à divers actes de l’état civil relatifs à la naissance et à la filiation, NOR : JUSC1119808C, 28.10.2011, BOMJL n°2011-11. consultable à l’adresse suivante (consulté le 16.04.2018): http://circulaires.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/11/cir_34124.pdf

-Rapport de la Commission européenne, La discrimination fondée sur le sexe, l'identité de genre et l'expression de genre envers - Étude, publié le 21 septembre 2012, consultable à l’adresse suivante (consulté le 19.04.2018): https://publications.europa.eu/en/publication-detail/-/publication/9b338479-c1b5-4d88-a1f8-a248a19466f1.

- Demande d’auto-saisine présentée le 23 février 2016 au Comité consultatif national d’éthique, disponible à l’adresse suivante: http://www.pitcho.fr/site/wp-content/uploads/2016/02/Cliquez-ici-pour-la-Demande-dauto-saisine-du-CCNE.pdf
 
- Commissaire des droits de l’homme du Conseil de l’Europe, document thématique sur les droits de l'homme et les personnes intersexes, 2015, consultable à l’adresse suivante (consulté le 18.04.2018): https://rm.coe.int/16806da66e
 
- Communiqué de presse, CEDH 121, L’obligation de subir une opération stérilisante ou un traitement entraînant une très forte probabilité de stérilité pour changer la mention du sexe à l’état civil viole le droit au respect de la vie privée, 06.04.2017, consultable à l’adresse suivante (consulté le 20.04.2018): https://hudoc.echr.coe.int/app/conversion/pdf?library=ECHR&id=003-567750...

 

Sources non juridiques

- PLATON (Présentation et Traduction BRISSON L.), Le Banquet, Paris, Flammarion, 5è édition, 2007, 275p, consultable à l’adresse suivante (consulté le 4.04.2018) : Disponible en ligne sur le lien  suivant : http://ekladata.com/rUmJ7x2VWcV-WnXfZW3XWbQgcOU/Platon-Le-Banquet.pdf 

- 28 Minutes- ARTE, vidéo,"Le troisième sexe" en passe d'être reconnu en Allemagne, 9.11.2017, 2 minutes et 39 minutes, consultable à l’adresse suivante (consulté le 4.04.2018) : https://www.youtube.com/watch?v=nTIeif6wSeQ

- VERSIEUX, L’Allemagne va reconnaitre un troisième sexe, 8 novembre 2017, Berlin, Le Temps, consultable à l’adresse suivante (consulté le 4.04.2018): https://www.letemps.ch/monde/lallemagne-va-reconnaitre-un-troisieme-sexe