Etiquette "primauté"

Les rapports entre le droit de l’Union européenne (UE) et le droit constitutionnel des Etats membres suscitent de nombreux débats, notamment en ce qui concerne l’équivalence des degrés de protection des droits fondamentaux requis par ces deux droits. S’est à ce titre posée la question de savoir si les cours constitutionnelles des Etats membres pouvaient écarter l’application du droit de l’UE lorsque le niveau de protection des droits requis par l’UE était inférieur à celui requis par leur propre constitution. A ce sujet, le Tribunal constitutionnel fédéral de l’Allemagne (Bundesverfassungsgericht, BVerfGE)  s’est opposé à la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) en délaissant le principe de primauté afin de protéger ses droits fondamentaux.

Les conventions de lutte contre la corruption transnationale sont des instruments d’harmonisation qui ne bénéficient pas d’un caractère auto-exécutoire et nécessitent l’adoption de mesures d’adaptation internes sur lesquels se baseront les juridictions nationales pour sanctionner la corruption. Cependant, cette adaptation, parfois incomplète, peut conduire à des situations d’inconventionnalité.

Le 21 septembre 2005, le Tribunal de première instance de l’Union européenne (TPI) a rendu une décision très controversée dans les affaires jointes Kadi et Yusuf, consacrant la primauté des décisions du Conseil de sécurité des Nations Unies sur l’ordre juridique communautaire. Cette décision a été annulée le 3 septembre 2008 par la Cour de Justice des Communautés européennes (CJCE). Elle s’est très nettement prononcée sur sa compétence à contrôler les règlements communautaires qui transposent en droit européen les résolutions du Conseil de sécurité. La Cour retient ainsi dans son raisonnement que certains principes constitutionnels européens sont inviolables et qu’en aucun cas des résolutions du Conseil ne peuvent y attenter. Elle adopte par ailleurs une position bien plus nette que ne l’avait fait la Cour européenne des Droits de l’Homme (CEDH) dans l’affaire Behrami et Saramati (2005). Enfin, la décision Kadi aura eu également comme effet de faire reculer le Conseil de sécurité dans sa mise en œuvre des sanctions ciblées

Si la primauté du droit communautaire sur leur droit national est reconnue par la France et par le Royaume-Uni depuis presque 20 ans déjà, cette reconnaissance ne s’est pas effectuée sans réticences et ces dernières sont peut-être apparues là où on les attendait le moins. De plus, l’acceptation par les Etats Membres du principe de primauté n’est toujours pas totale, de telle sorte que c’est aujourd’hui la question de la place du droit communautaire par rapport aux constitutions nationales qui se pose.