Etiquette "Diffamation"

Les récentes campagnes électorales française et américaine ont été particulièrement marquée par la propagation de fake news, tentant d’influencer les résultats. Ces publications présentent de nombreux dangers pour le fonctionnement démocratique d’une société. Les solutions existantes paraissant peu adaptées, de nouvelles approches sont mises au point, pouvant elles-mêmes devenir un danger pour les libertés d’expression et de la presse.

À l’ère de la « yelpisation » des relations commerciales, les avis en ligne occupent une place importante dans la compétitivité d’une entreprise. Aux États-Unis, le Consumer Review Fairness Act de 2016 interdit les clauses censurant les avis critiques des consommateurs, aux dépends de la liberté contractuelle. En France, ces stipulations sont écartées par le régime des clauses abusives et le droit de se plaindre est confirmé par la loi pour une République numérique. Observe-t-on un réel rapprochement des deux systèmes ?

Que peut la satire ? « Tout. », répondit succinctement Tucholsky en 1919. La Böhmermann-Affäre, affaire d’Etat ayant relancé le débat sur la liberté d’opinion en Allemagne, montre une nouvelle fois que la réponse juridique apportée à cette antique interrogation est loin d’être aussi évidente, particulièrement, lorsque la politique extérieure d’un pays entre en jeu.

[Résumé : La diffamation, incrimination dont les contours sont appréciés de façon différente selon les ordres juridiques, est un délit puni par une peine d’emprisonnement en Italie. Cette sanction porte atteinte à la liberté d’expression et est vraisemblablement incompatible avec l’exigence de la proportionnalité de l’ingérence de l’Etat,  qui est une règle fixée par la CEDH.]

 

« Avant tout, le juge doit considérer l’importance de la liberté d’expression. La presse exécute des fonctions vitales en tant que chien de chasse et chien de garde» (Lord Nicholls, arrêt Reynolds c/ Times). En créant de toute pièce le privilège de Reynolds dans cette affaire, le juge suprême anglais a tenté d’encourager la liberté de la presse en offrant un nouveau moyen de défense aux médias à une action en diffamation. L’arrêt Flood c/Times rendu par la Cour Suprême de Grande Bretagne en 2012 a fait de cette volonté une réalité. En effet, cette décision libérale fait nettement pencher la balance en faveur de la liberté d’expression des médias protégée par l’article 10 de la Convention des droits de l’homme (la Convention), au détriment du droit individuel de préserver sa réputation garanti par l’article 8 de la Convention.

Il y a quarante ans, Lord Justice Diplock, juge de la Cour d'appel anglaise, se plaignait déjà "du caractère artificiel et archaïque" de la diffamation (arrêt Slim c/ Daily Telegraph Ltd 1968, Cour d'appel anglaise). Première réforme d'ampleur depuis plus de quarante ans,  l'arrêt Spiller c/ Joseph 2010 a été qualifiée de "storm in a tea cup" (tempête dans un verre d'eau) par l'avocat de la défense et par la Cour Suprême de Grande Bretagne elle-même. Il est en effet rare qu'un litige relativement modeste soulève des questions aussi complexes, surtout en matière d'exception de commentaire juste (fair comment), l'un des domaines les plus complexes du droit anglais de la diffamation.

Alors que la France est sur le point de consacrer le droit pour le journaliste de garder ses sources secrètes, principe depuis longtemps transposé en droit allemand, la cour fédérale allemande (BGH) a considéré dans un arrêt du 22 avril 2008, que le journaliste ne pouvait invoquer son droit de taire ses sources pour s’exonérer de la charge de la preuve. Cette décision rappelle que les journalistes ne sont pas soumis au secret professionnel, et que la protection des sources telle qu’elle a été développée par la cour européenne des droits de l’Homme tend à protéger la relation de confiance entre le journaliste et sa source, davantage que le journaliste lui-même.