Droit des contrats

La directive 93/13 se référait à la notion de « bien » sans en apporter de définition précise. Ce terme, selon qu’interprété à la lumière de la Common Law ou du droit français, comprenait ou excluait les immeubles du champ d’application de la directive. Allant au-delà de la barrière de la langue, le juge anglais accepta dans l’arrêt Newham d’écarter son droit national pour s’aligner à l’esprit communautaire. Il démontrait ainsi que l’uniformisation ne peut réussir qu’avec l’appui des magistrats.

Si l’Espagne s’est tout d’abord fortement inspirée du système juridique français, elle a ensuite cherché à s’en éloigner pour créer son propre droit. Cela se ressent dans certaines matières centrales dans le domaine juridique. C’est ainsi qu’en matière contractuelle, le régime espagnol de l’indemnisation d’un dommage causé par un débiteur dolosif trouve sa source dans le droit français, bien que les articles 1107 et 1151 des codes civils respectivement espagnol et français semblent a priori opposés. C’est l’analyse de la jurisprudence, et en particulier des arrêts du Tribunal Supremo espagnol du 24 novembre 1997 et de la Cour de Cassation du 5 mars 1963, qui nous permet de faire ressortir à nouveau les points communs entre ces deux droits et même de voir que la France, à son tour, s’est peut être inspirée du droit espagnol

Le caractère déterminé ou déterminable du prix dans les contrats onéreux est un des principes classiques du droit des contrats. Cependant, on assiste à une évolution de la jurisprudence française concernant la fixation du prix avec, particulièrement, deux arrêts du 1er décembre 1995. Le droit espagnol, lui, est encore complètement fermé à cette évolution et continue d’exiger sévèrement la détermination ou déterminabilité du prix malgré les nombreuses controverses doctrinales demandant cette ouverture au nom de la réalité juridique et économique actuelle. Avec une toute autre démarche, les principes Unidroit et ceux de droit européen des contrats privilégient la survie du contrat, avec la mise en place et l’utilisation de concepts tels que celui de « prix habituellement pratiqué lors de la conclusion du contrat, dans la branche commerciale considérée, pour les mêmes prestations effectuées dans des circonstances comparables » ou encore celui de « le prix raisonnable ».

Que ce soit à l’échelle communautaire ou à l’échelle nationale, les règles étatiques ne semblent plus avoir, aujourd’hui, le monopole des sources juridiques. Depuis quelques années déjà, les Principes Unidroit, les Principes du droit européen des contrats, ou encore la Lex mercatoria sont sur toutes les lèvres, et pas seulement sur celles des universitaires spécialisés en règles « para-étatiques » mais aussi sur « celles » de la Commission européenne ou encore plus récemment des juges nationaux. Ces règles ont-elles un avenir ?

Le projet de la Commission européenne portant sur le droit des contrats a suscité de nombreux commentaires doctrinaux dans tous les pays européens. A titre d’exemple, on peut citer l’article intitulé « The Common Frame of Reference and the feasibility of a common contract law in Europe » (Journal of Business Law, 2007, Jun, 378-411), écrit par un juriste anglais, Lucinda Miller. Cet article a été publié en 2007 et en tant que tel il fournit une analyse actuelle des propositions de la Commission.

C’est au sein même du mécanisme juridique opérant le transfert de propriété que l’on peut trouver matière à la comparaison. Le Code Civil espagnol notamment en son article 1095 CCE proclame le principe de la “tradición real” par la remise effective réelle de la chose au moment de la vente. La volonté respective de l’acquéreur et du propriétaire n’est pas suffisante, la remise de la chose vendue est alors nécessaire. La conception espagnole se situe par là à mi chemin entre le droit français inspiré du principe de l’autonomie de la volonté qui n’exige absolument pas la remise du bien fidèle au principe du transfert de propriété « solo consensus » pour parfaire la vente et le droit allemand qui distingue contrat et transfert de propriété. Par là, le droit espagnol se rapproche de la tradition législative américaine tracée par les codes péruvien et chilien. Au sein des systèmes espagnols et français, le concept de propriété est indissociable du transfert des risques. Nombreux en sont les effets contractuels ou juridiques, économiques comme financiers. Le principe de la « tradición real » est le gage d’une protection efficace du propriétaire. Il n’est en revanche pas propice à une économie libérale ce que promeut le système français avec le principe du consensualisme. Sans doute ce particularisme est lacunaire, le droit français pourrait lui être un possible remède. Les systèmes en cause auraient sûrement intérêt à s’inspirer des uns et des autres pour protéger les intérêts en présence.

La théorie de l’imprévision est accueillie de façon différenciée au sein des pays de civil law. La France est réticente à admettre cette théorie contrairement à l’Italie qui la reconnait par le biais de l’ « eccessiva onerosità sopravenuta ». Cependant les tribunaux italiens, en s’inspirant de la tradition allemande, ont également créé une autre institution voisine de la théorie de l’imprévision , la « presupposizione ». La Cour de Cassation italienne, par arrêt du 25 mai 2007 en redonne la définition et les contours.

Dans sa décision du 14 octobre 2004, le BGH (cour de cassation allemande) a décidé qu’un contrat de cautionnement conclu par un salarié au profit de son employeur était nul s´il était victime d´une surcharge financière importante (krasse finanzielle Überforderung). Un tel contrat est atteint de nullité dans la mesure où, il viole les bonnes mœurs (§ 138 du BGB). Cette décision est l’occasion de faire une comparaison avec la situation des contrats de cautionnement illicites en France. Les contrats de cautionnement susceptibles d’être annulés sont-ils similaires en Allemagne et en France ? Le caractère de la surcharge financière joue-t-il dans les deux pays ? Y avait-il une jurisprudence antérieure en Allemagne ? Comment est-il possible de contrôler le contenu de ces contrats ? Autant d’interrogations que nous nous efforcerons d’éclaircir dans ce billet.

Si la Doctrine n’est pas considérée formellement en droit espagnol comme une véritable source de droit, la question de la formation du contrat à distance a pu néanmoins lui conférer un véritable statut. L’article 1262 du Code Civil Espagnol (CCE) offre clairement une définition sur la date à prendre en considération pour la conclusion de tels contrats. Il n’en demeure pas moins que l’article est sujet à de multiples interprétations et analyses doctrinales. Différentes théories s’opposent sur la définition de l’instant précis de l’acceptation. Ces mêmes divergences ou oppositions doctrinales d’un point de vue civil ou commercial constituent le point de départ d’un réel déploiement de débats d’idées sur la question. La détermination d’une telle date n’est pas sans conséquences. Des remèdes sont à trouver. Les systèmes juridiques tels l’Espagne ou la France ayant des solutions parfois divergentes pourraient, par une étude comparative intelligente, clarifier leur droit à la lumière de telle ou telle disposition étrangère après avoir mis en balance tel ou tel aspect de la doctrine. Dans ce sens, une inspiration européenne voire internationale serait sans doute utile ou pour le moins nécessaire.

Le § 242 BGB et l´article 1134 al. 3 Code civil ont une approche différente de la bonne foi, l´un en faisant un principe général du droit, l´autre le considérant comme un standard juridique. Ces conceptions différentes ont un retentissement sur les conditions d´application : la bonne foi allemande ne requiert qu´une relation juridique particulière alors que le droit français exige une relation contractuelle. Cependant, malgré ces dissemblances, la jurisprudence française arrive aux mêmes résultats en s´appuyant sur d´autres normes, notamment l´article 1135 Code civil.